L'Elysée et Matignon avaient juré que les deux discours seraient «complémentaires». Cette promesse-là aura été tenue. Au risque d'en devenir fumeux, le chef de l'Etat a pris tant de hauteur dans son interminable intervention que son Premier ministre aura le champ libre, ce mardi, pour un authentique discours de politique générale avec des réformes précises et un agenda de mise en œuvre.
«Arbitrages»
Respecté au moins formellement dans ses prérogatives de chef du gouvernement, Edouard Philippe n'aura donc pas subi «l'humiliation» qu'avaient cru pouvoir dénoncer par avance plusieurs élus de l'opposition, comme le chef de file des députés PS, Olivier Faure, ou même le centriste «constructif» Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI, qui avait choisi de boycotter le Congrès. «Le président de la République doit fixer le sens du quinquennat et c'est ce que je suis venu faire devant vous. Il revient au Premier ministre, qui dirige l'action du gouvernement, de lui donner corps», a rappelé Emmanuel Macron devant les députés et sénateurs. Il incomberait donc à Edouard Philippe «de conduire les transformations et de rendre les arbitrages». «Une lourde tâche» que le Président se défend de vouloir confisquer. Dans son entourage, on fait savoir qu'Edouard Philippe travaille d'arrache-pied sur ce discours qui doit lui permettre d'asseoir son autorité sur une majorité macroniste dont il a vocation à devenir le chef.
Saboté
Macron paraît disposé à lui faciliter la tâche. Une faveur à laquelle n'avait pas eu droit François Fillon, l'ancien «collaborateur» de Nicolas Sarkozy. Le 3 juillet 2007, le discours de politique générale de ce dernier avait été littéralement saboté. Non content de s'exprimer quelques jours plus tôt devant les parlementaires de sa majorité convoqués au palais de l'Elysée, l'ancien chef de l'Etat avait laissé ses collaborateurs Claude Guéant et Henri Guaino se répandre dans les médias pour dévoiler le détail des réformes à venir. «Fillon n'aura pas à faire preuve de beaucoup d'imagination pour son discours», confiait alors le porte-parole de Sarkozy, quelques heures avant la prise de parole du Premier ministre. Dix ans après, Edouard Philippe peut se rassurer en constatant qu'il est mieux traité par le chef jupitérien que ne le fut son prédécesseur au temps de l'hyperprésidence sarkozyenne.