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Droits

Ce que change la décision de la Cour de cassation sur la GPA

LGBT +dossier
L'avis rendu mercredi ne répond que partiellement à la demande des familles concernées. Il permet au «deuxième» parent, non biologique, d’un enfant né d’une gestation pour autrui à l’étranger, de l'adopter.
A view of the entrance to the Court of Cassation (Cour de cassation), one of France's courts of last resort having jurisdiction over all matters triable, is pictured on March 21, 2017, on Ils de la Cite, an island in the River Sein in central Paris . / AFP PHOTO / THOMAS SAMSON (Photo Thomas Samson. AFP)
publié le 5 juillet 2017 à 19h51

L'avis de la Cour de cassation, très attendu, fera désormais jurisprudence. Oui, le «deuxième» parent, non biologique, d'un enfant né d'une gestation pour autrui à l'étranger, est aussi légitime que le parent «géniteur» et doit être reconnu comme parent légal. Oui, mentionner les parents qui élèvent l'enfant sur le livret de famille (pour l'heure, seul le parent biologique peut y figurer) est un droit fondamental de la vie privée et familiale. Oui, malgré une GPA strictement interdite en France, cet avis permettra de sortir du flou juridique dans lequel se perdent actuellement les «enfants fantômes» de la République.

Rendu public mercredi, l’avis est un soulagement pour les familles concernées, mais pas une délivrance : la transcription pure et simple de l’acte de naissance de l’enfant né d’une mère porteuse (tel qu’il a été établi à l’étranger, sur lequel figurent le plus souvent les noms de deux parents qui ont désiré l’enfant) à l’état civil français n’est toujours pas envisageable. La plus haute juridiction française a tranché : si le «parent d’intention» a la possibilité d’obtenir un statut légal vis-à-vis de son propre enfant, cette pleine reconnaissance des droits s’effectuera uniquement par la voie de l’adoption. Une décision qui rejoint l’avis émis par le ministère public.

«Enfumage»

Le 30 mai, cinq familles s'étaient présentées devant la formation plénière de la Cour de cassation, remplies d'espoir. Aujourd'hui, beaucoup sont sorties de l'audience un brin dépitées. Seul l'avocat Patrice Spinosi a relativisé, décrivant l'arrêt juridique comme «une grande victoire». Pour les époux Mennesson, parents de jumelles de dix-sept ans, nées d'une GPA aux Etats-Unis, cette décision est «une absurdité absolue». «L'adoption, c'est donner des parents à des enfants qui n'en ont pas. Or, nous sommes leurs parents», se révolte Sylvie, la mère des deux jeunes filles. Françoise Thouin-Palat, qui défend un couple de parents hétérosexuels et leurs jumelles nées en 2011 en Ukraine, se dit «déçue et choquée». «Comment ces enfants vont-elles comprendre que les parents qu'elles ont en Ukraine ne sont pas les mêmes en France ? Sans transcription de l'acte de naissance, elles sont orphelines de mère.»

En théorie, la Cour de cassation a montré des signes de bonne volonté envers les quelques centaines de couples qui recourent chaque année à la GPA. Partielle, limitée, relative, mais semble-t-il réelle. «De l'enfumage», contredit Laurence Brunet, juriste chercheuse à l'Université Paris I-Panthéon-Sorbonne. «Cet arrêt juridique est un piège. Pour une adoption, il faut le consentement de la mère biologique. Comment lui demander son approbation si elle n'existe pas administrativement parlant ?» La question est d'importance. Si la mère porteuse est généralement inscrite sur l'acte de naissance de l'enfant d'un couple homosexuel (avec le nom du père biologique), celle-ci s'efface la plupart du temps au profit du nom de la mère d'intention pour les couples hétérosexuels. «Pour les couples homosexuels, l'adoption sera relativement simple. Pour les hétérosexuels, il y a là un véritable flou.»

L'avocate Caroline Mécary, qui représente deux couples hétérosexuels devenus parents par une GPA, a déjà le feu vert de ses clients pour porter leur affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme. Quitte à faire condamner l'Etat français une sixième fois. «Jusqu'alors, la CEDH demandait à la France de payer des amendes car les tribunaux n'accordaient pas toujours une carte d'identité aux enfants nés sous GPA.» Depuis l'arrêt de juillet 2015, cette question est relativement réglée. «Aujourd'hui, nous nous voyons obligés de faire appel à la justice européenne, dit l'avocate. La Cour de cassation a pris aujourd'hui une position politique et morale, ce n'est pas son rôle.»