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Perlimpinpin

Etat d'urgence, l’alibi du contrôle judiciaire

L’exécutif veut intégrer certaines mesures de l’état d’urgence dans le droit commun, en s’abritant derrière le rôle confié au juge.
Une patrouille militaire aux alentours de la butte Montmartre, dans le cadre du plan Vigipirate, le 26 novembre 2015. (Photo Denis Allard)
publié le 5 juillet 2017 à 19h36

Mi-jocker, mi-caution, le juge est devenu l'argument phare du gouvernement pour vendre son projet de loi antiterroriste pérennisant certaines mesures de l'état d'urgence dans le droit commun. Edouard Philippe l'a répété lors de son discours de politique générale : «Le président de la République nous a demandé de préparer la sortie de l'état d'urgence au plus tard le 1er novembre avec un projet de loi renforçant l'efficacité de notre arsenal législatif contre le terrorisme, sous le contrôle rigoureux du juge.»

De quels juges parle le Premier ministre ? Des magistrats administratifs d’abord. Ceux vers qui toute personne touchée par une mesure venant de l’Etat peut se tourner, a posteriori : après avoir été assigné à résidence, perquisitionné, interdit de manifester, etc.

Une étude du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux (Credof) montre que depuis l’instauration de l’état d’urgence, 69 % des requêtes connaissent une issue défavorable. Mais surtout, la contestation contre l’outil le plus utilisé, les perquisitions ordonnées par les préfets, n’était que symbolique, puisqu’elles avaient déjà été effectuées.

Sans en-tête, ni signature

Le gouvernement a souhaité les encadrer davantage en introduisant un juge judiciaire lors du passage dans le droit commun. Un juge des libertés et de la détention devra valider a priori les demandes des préfets.

Mais de quels éléments disposeront ces juges ? Les dix-huit mois d’état d’urgence ont signé le grand retour des notes blanches, ces documents sans en-tête, ni signature, parfois sans date, qui émanent des services de renseignement et contiennent des affirmations difficilement vérifiables.

Dernier étage de la fusée : les assignations sur le périmètre d’une commune seront décidées par le ministère de l’Intérieur, après un avis du procureur de la République. Outre son caractère consultatif, le dispositif ne répond pas à la volonté du gouvernement de remettre le juge dans la boucle. Le mode de nomination des magistrats du parquet ne présente pas aujourd’hui les mêmes garanties que pour les juges du siège (juge d’instruction, juge de l’application des peines, aux affaires familiales, etc.). Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) rend un avis contraignant pour les nominations de ces derniers, alors qu’il n’est que consultatif pour les procureurs - même si l’exécutif n’est jamais allé contre son avis ces dernières années. Edouard Philippe a d’ailleurs promis d’intégrer la réforme du statut du parquet et du CSM à la révision constitutionnelle.