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Libération

Budget de la défense, le nerf de la guerre

L’objectif affiché par Bercy de réduire les dépenses militaires de 850 millions d’euros consiste à faire porter le coût total des opérations extérieures aux Armées.
publié le 12 juillet 2017 à 20h46

Se battrait-elle «bec et ongles» pour son budget ? La ministre des Armées, Florence Parly, répondait «oui, trois fois oui» lors d'un point presse lundi après-midi, insistant sur son «rôle» : «Faire en sorte que les armées aient les moyens du niveau d'engagement décidé par le chef de l'Etat.» Avant de s'éclipser pour aller poursuivre les discussions budgétaires. Elles ont pris plus de temps que prévu - Parly a annulé un déplacement le lendemain pour s'entretenir avec Edouard Philippe - et n'ont pas abouti au résultat escompté. Mercredi, Bercy a confirmé que la fin de l'année serait plus rude que prévu pour le budget du ministère des Armées. Gérald Darmanin a indiqué lui avoir «demandé de tenir le budget qui a été voté en 2017 par le Parlement, ce qui entraîne une réduction des dépenses de 850 millions d'euros».

«Opex». D'où vient ce chiffre ? En 2017, les guerres de la France à l'étranger et l'opération Sentinelle coûteront environ 1,3 milliard d'euros. Dans son budget 2017, le ministère de la Défense devait prendre sa part, à hauteur de 450 millions, le reste étant réparti entre les autres ministères (850 millions d'euros donc). Cet arrangement avait été mis au point sous la précédente majorité, qui avait inscrit ce principe de «financement interministériel» des opérations dans la loi de programmation militaire votée en 2013. «Les Opex [opérations extérieures, ndlr] relèvent d'une décision du président de la République qui engage les forces armées», justifie Patricia Adam, présidente PS de la commission de la défense à l'Assemblée nationale entre 2012 et 2017. Cette «solidarité gouvernementale», régulièrement critiquée par Bercy et la Cour des comptes, ne sera pas reconduite en 2017 et le ministère des Armées héritera de cette dépense supplémentaire de 850 millions d'euros qu'il faudra vraisemblablement prendre dans le programme d'équipement des forces.

La décision a fait bondir Jean-Pierre Raffarin, président jusqu'à mercredi matin de la commission des affaires étrangères et de la défense au Sénat, qui a dénoncé «une faute» dans un communiqué. Son successeur, Christian Cambon, également LR, a critiqué «une mise en danger du ministère des Armées». Dans les rangs du PS aussi, la décision passe très mal. Pour l'ancien ministre des Finances, Michel Sapin, qui ferraillait, il y a quelques mois encore, sur le budget avec son homologue de la Défense, le gouvernement Philippe commet une «erreur».

Tribune. Ce revirement de l'exécutif paraît peu compatible avec son objectif de consacrer 2 % du PIB à la défense en 2025, comme l'avait promis le candidat Macron. Un engagement répété par Florence Parly lundi et par Edouard Philippe mercredi dans les Echos. Pour le Premier ministre, «le chemin crédible d'ici à 2025 sera progressif». En commençant par reculer d'une marche, alors que les plus hauts gradés s'inquiètent depuis des mois que «l'effort de guerre» ne soit plus au rendez-vous. De manière inhabituelle, le chef d'état-major Pierre de Villiers a signé une tribune pendant la campagne assurant que «l'effort ne pourra être ni allégé ni reporté». Auditionné mercredi matin à l'Assemblée, il n'aurait pas caché sa colère face à la nouvelle donne budgétaire.