«Garantir le droit d'asile» et «mieux maîtriser les flux migratoires», «poursuivre le renforcement des contrôles aux frontières extérieures» tout en «œuvrant dans le sens d'une plus grande solidarité» entre les pays de l'UE, «accueillir dignement ceux qui se réfugient» et renvoyer les «migrants économiques» : on retrouve les éléments de langage de la «start-up nation» Macron dans les grandes lignes du «plan» pour l'asile présenté mercredi par le Premier ministre Edouard Philippe, lors d'une conférence de presse à l'hôtel de Marigny. Finalement, beaucoup d'intentions d'humanité, mais très peu d'engagements concrets.
«Sans cap». Plus de deux semaines après le discours très sécuritaire du ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, à Calais, les associations d'aide aux migrants ne voient aucune avancée tangible. Pour le Comité inter-mouvements auprès des évacués (la Cimade), rien de nouveau sous le soleil : ce plan est un «énième ajustement d'une politique sans cap», ressemblant «à s'y méprendre à toutes les annonces distillées ces dernières années par la précédente majorité».
Première urgence du gouvernement (soutenue pour le coup par les associations) : réduire considérablement le temps de traitement d'une demande d'asile, depuis l'enregistrement de la requête jusqu'à la réponse de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). «Ce qui se joue en matière de demande, d'octroi et de rejet de l'asile est absolument essentiel», a insisté Edouard Philippe. Le délai est actuellement de quatorze mois. La loi asile votée en 2015 avait déjà pour but de le réduire à neuf mois. Le Premier ministre souhaite qu'il soit de six mois. Un objectif ambitieux qui vise avant tout à effectuer un «tri» accéléré des demandeurs, et à renvoyer au plus vite du territoire français ceux qui ne peuvent accéder au statut de réfugié.
Déboutés. Comment le gouvernement compte-t-il rationaliser le traitement des demandes ? Edouard Philippe ne donne pas de réponse exacte, si ce n'est de «renforcer les moyens» octroyés à l'Ofpra et à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Mais il ne mentionne aucun engagement chiffré. Concernant ceux qui n'accèdent pas au statut de réfugié, le chef du gouvernement s'est montré très ferme, expliquant que les déboutés feront «immédiatement l'objet de procédures d'éloignement». Pour rendre celles-ci plus efficaces, l'exécutif entend notamment redéfinir le «cadre juridique» des centres de rétention lors de la présentation du projet de loi au Parlement, à la rentrée prochaine.
En parallèle, le gouvernement souhaite aussi restructurer le système d'accueil, aujourd'hui complètement saturé. Pour désengorger les centres d'hébergement, le Premier ministre a confirmé la volonté du gouvernement de créer 7 500 places supplémentaires dans les établissements d'accueil : 4 000 en 2018, puis 3 500 en 2019. En revanche, il dit non à la demande d'Anne Hidalgo : la maire de Paris aimerait créer de nouveaux centres de premier accueil, qui permettent aux réfugiés de faire un premier point administratif avant d'être redirigés vers des structures plus pérennes. Gérard Collomb a de nouveau exprimé fermement son refus de construire de telles structures, arguant que «ce type de camp ne génère que des problèmes», en dépit des résultats positifs de celui de la Porte de la Chapelle, qui a permis de réorienter près de 12 000 personnes depuis sa création en novembre.
«Transition». Face à la saturation totale de cet établissement, autour duquel près de 2 800 migrants ont été évacués vendredi, Hidalgo avait soumis au gouvernement un projet de loi qui visait à mieux répartir les réfugiés sur l'ensemble du territoire. Préconisant notamment la création de centres humanitaires sur les grands axes migratoires français. Mais d'après le gouvernement, cette répartition n'est pas nécessaire. Résultat : d'ici 2018, les presque 500 personnes - à raison d'une centaine par jour - qui se sont déjà installées depuis une petite semaine aux abords du centre de premier accueil depuis son évacuation n'auront d'autre solution que de dormir sur le trottoir.
Sur le volet intégration, tout n'est encore qu'intentions. Insistant sur l'exigence d'«exemplarité» de la France vis-à-vis des personnes ayant obtenu l'asile, Edouard Philippe a seulement évoqué la création de 5 000 places en centres d'hébergement provisoires d'ici 2019, «pour favoriser la transition vers le logement autonome des réfugiés les plus vulnérables». Pour coordonner cette politique d'intégration, il a annoncé «la nomination prochaine d'un délégué interministériel à l'intégration des réfugiés». Un plan global en faveur du logement des migrants sera présenté à l'automne.