Une plainte pour apologie du terrorisme a été déposée contre l'auteur et le metteur en scène d'une pièce de théâtre sur les dernières heures du jihadiste toulousain Mohamed Merah, jouée lors du Festival off d'Avignon à la Manufacture, a-t-on appris ce jeudi de source judiciaire. Déposée dans un premier temps au TGI de Paris, la plainte a ensuite été transmise au parquet d'Avignon, a précisé à l'AFP le procureur de la République Philippe Guémas. L'agence de presse indique qu'elle aurait été déposée «par les avocats de proches des victimes de Merah». Selon nos informations, elle émane de l'association BNVCA (Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme).
Intitulée Moi, la mort, je l'aime, comme vous aimez la vie – une phrase de Merah –, cette pièce a été écrite par l'auteur algérien Mohamed Kacimi à partir de verbatim qui détaillaient les derniers échanges entre Merah et la police, avant qu'il ne soit tué. Rappelons que les 11 et 15 mars 2012, Mohammed Merah a assassiné trois militaires à Toulouse et Montauban puis, le 19 mars, trois enfants et un enseignant d'une école juive de Toulouse, avant d'être abattu à son tour. De quoi faire assurément rebondir la polémique.
Responsabilité culturelle
Mardi, des avocats de proches de victimes de Mohammed Merah avaient en effet demandé à Yohan Manca, le metteur en scène, et Mohamed Kacimi, l'auteur du texte, d'annuler la dernière représentation, qui s'est finalement déroulée sans incident. Contacté par Libération, Me Patrick Klugman, l'un des avocats, dément être à l'origine de cette plainte. «Nous qui défendons la famille Sandler [Jonathan Sandler et ses deux fils Gabriel et Arieh ont été tués par Merah, ndlr] voulions émettre une protestation. Nous n'entendons pas à ce stade faire une action en justice. Le titre de la pièce, qui reprend la propagande du terroriste, est choquant. Merah a tellement fait d'émules et d'admirateurs que cette entreprise théâtrale se discute, explique Me Klugman. Si nous n'avons pas demandé l'interdiction de la pièce, mais à ce que ses auteurs renoncent d'eux-mêmes à la jouer, c'est que nous cherchions à lancer un débat de responsabilité culturelle. Avec nuances. Mais on ne pouvait laisser passer ça comme si de rien n'était.»
Des nuances balayées par l'association BNVCA : «Quand vous voyez ce titre et quelqu'un qui joue Merah, cela peut être pris au premier degré comme une apologie du terrorisme. Même la mère du militaire tué a été choquée, elle qui fréquente les banlieues régulièrement», explique René Levy, le secrétaire général de l'association.
De son côté, Pascal Keiser, le directeur de la Manufacture, indique qu'il a reçu des menaces par téléphone depuis le déclenchement de cette polémique dans les médias. Et rappelle que la pièce a été jouée trois fois de suite sans incident et sans qu'aucun spectateur ne vienne protester à l'issue de la représentation. «Il s'agit d'une démarche critique sur les mécanismes qui conduisent les jeunes vers le terrorisme et en rien d'une apologie de celui-ci.»