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Sida

VIH : une situation «extrêmement préoccupante» chez les jeunes homosexuels français

L'enquête Prevagay 2015, parue ce mardi au Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), montre que 14,3 % des 2 600 homosexuels interrogés dans cinq grandes villes françaises sont séropositifs.
Gay Pride à Madrid, le 1er juillet. (Photo Oscar Del Pozo. AFP)
publié le 18 juillet 2017 à 20h36

Sur 2 600 hommes homosexuels de 18 ans et plus interrogés à Paris, Lyon, Montpellier, Lille et Nice, près de 14,3 % d'entre eux sont séropositifs. Cette proportion, issue de l'enquête Prevagay 2015 publiée ce mardi par l'agence Santé publique dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), analyse la fréquence de contamination des hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes (HSH) dans 60 établissements de convivialité gay (26 bars et clubs, 15 «backrooms» ou sexclubs et 19 saunas). Etablie à partir d'un questionnaire comportemental et d'un prélèvement de sang anonyme, l'enquête révèle que le taux de prévalence du VIH est le plus élevé à Nice (17,1 %), suivi de Montpellier (16,9 %), Paris (16%), Lyon (11,4 %) et Lille (7,6 %). Une situation que François Dabis, le président de l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), juge «extrêmement préoccupante», notamment en matière de prévention.

Sur les 2 600 hommes qui ont accepté de participer à l'étude, un peu moins de la moitié (45 %) ont eu plus de dix partenaires dans l'année et près d'un tiers (32 %) n'ont pas utilisé de préservatif pendant au moins un de leurs rapports sexuels. Christian Andreo, directeur adjoint d'Aides, appelle pour autant à relativiser cette proportion : «Cela ne signifie pas que les HSH se protègent moins que les hétérosexuels, mais seulement qu'ils ont plus de risque de tomber sur un partenaire porteur du virus sans le savoir.» Selon lui, la persistance des comportements à risque est moins révélatrice que la prise en charge des personnes séropositives, qui a beaucoup progressé depuis la dernière étude du BEH datant de 2011 : 91 % des hommes qui ont répondu au questionnaire sont déjà détectés séropositifs et 95 % d'entre eux suivent un traitement médical. Une «bonne nouvelle» qui doit aussi être tempérée car elle repose sur un «échantillon de personnes précis, urbain et très informé».

Comportement des jeunes

D'après Christian Andreo, le véritable enjeu se trouve entre le moment de la contamination et celui où le jeune apprend qu'il est porteur (environ un an et demi), «car c'est pendant cette période que le virus continue de circuler», notamment chez les plus jeunes. En effet, si les taux des trois premières métropoles françaises sont similaires à ceux d'autres villes européennes comme Brighton (17,6 %) ou Lisbonne (17,1 %), la part des HSH français séropositifs de moins de trente ans (6 %) est plus importante que dans les autres pays d'Europe. Le directeur-adjoint d'Aides s'inquiète de ce «rajeunissement notable de l'épidémie», qui remet en question le «ciblage» des campagnes de sensibilisation et la manière dont «structurer le comportement du jeune avant son entrée dans la sexualité». Pour lui, la prévention doit devenir effective dès le milieu scolaire : «Il faut que l'école encadre les sexualités, et pas seulement avec une séance de SVT», explique le directeur adjoint, qui appelle «l'Education nationale à prendre sa part» dans ce travail de prévention et d'information.

Autre défi pour les dispositifs actuels : la diversification des réseaux sexuels et des modalités de sociabilisation. Chez les moins de 25 ans, près de 82 % utilisent des applications mobiles géolocalisées pour faire des rencontres, sur lesquelles les associations de prévention sont peu présentes. Pour Christian Andero, cette mutation doit s'accompagner d'une meilleure visibilité de celles-ci sur les réseaux sociaux et applications, en «investissant massivement les lieux de rencontre virtuels».