Les collectivités locales devront davantage se serrer la ceinture dans les années qui viennent. Lundi, le gouvernement a annoncé qu'elles devront réduire leurs dépenses de 13 milliards d'euros d'ici 2022, soit 3 milliards de plus que prévu par le programme de campagne d'Emmanuel Macron. Les élus s'inquiétaient déjà de la baisse de leurs financements, Emmanuel Macron souhaitant exonérer de taxe d'habitation 80% des contribuables. Que représentent ces ressources pour les collectivités locales ?
Les communes, départements, régions et collectivités d'outre-mer bénéficiaient d'une enveloppe globale de 216,5 milliards d'euros en 2015, selon les chiffres communiqués par le gouvernement, majoritairement composée des recettes de «fonctionnement» (196 milliards d'euros pour 2015), le reste étant des recettes d'investissement (20,6 milliards). Les communes sont celles qui bénéficient de la plus grosse partie de cette somme (environ 55%), suivies des départements avec près de 35% et un peu plus de 10% pour les régions.
Les ressources financières des collectivités locales en 2015 (en milliards d'euros)
Détail des recettes de fonctionnement pour les collectivités locales en 2015 (en milliards d'euros)
Quelles sont les principales sources de financement des collectivités?
Pour remplir leurs caisses, les collectivités peuvent s'appuyer sur deux sources principales : les dotations de l'Etat et les recettes fiscales.
Il y a d'abord ce que donne l'Etat : dans une logique de décentralisation et de déconcentration, celui-ci a transféré des compétences aux collectivités et doit donc leur donner les moyens de fonctionner, comme le prévoit la Constitution dans l'article 72. En 2015, 23% des recettes de fonctionnement des collectivités provenaient du concours de l'Etat. Son versement majeur est la dotation globale de fonctionnement (DGF). On peut la diviser en deux parties : la part forfaitaire qui correspond à un tronc commun perçu par toutes les collectivités bénéficiaires et une part reversée aux collectivités les plus défavorisées.
Depuis quelques années, ces dotations s'amenuisent. «Cette baisse traduit, notamment, la participation des collectivités locales au redressement des finances publiques», explique l'Observatoire des finances locales dans son état des lieux pour l'année 2015. Pour 2017, la DGF représente 30,9 milliards d'euros, contre 41,5 milliards en 2013 (voir graphique). Dans le détail, près de 60% de cette enveloppe sera attribuée aux communes et groupements de communes, 28% ira aux départements et 13% sera destinée aux régions.
Evolution de la dotation globale de fonctionnement (en milliards d'euros)
Quelles ressources propres sont à la disposition les collectivités locales?
Pour compenser la baisse des dotations de l'Etat, les collectivités peuvent utiliser leur autre levier de ressources : la fiscalité locale. On y retrouve d'une part les impôts locaux, et d'autre part les autres impôts et taxes (droits de mutation à titre onéreux, taxe d'enlèvement des ordures ménagères, taxe sur les certificats d'immatriculation, taxe de séjour, taxe d'apprentissage…). Les seuls impôts locaux ont rapporté 80,1 milliards d'euros en 2015, soit plus de 40% des recettes de fonctionnement. Ce système permet aux collectivités de conserver leur autonomie financière, car elles décident du taux d'imposition qu'elles veulent appliquer, en fonction de leurs besoins. Ce sont les communes qui bénéficient le plus de l'impôt local : 60% de leurs recettes proviennent de cette source de financement.
Dans le détail, les impôts locaux, ça n’est pas que la taxe d’habitation. Ce sont en fait quatre taxes et impôts. Il y a d’abord trois taxes dites «ménages» dont profitent les communes et les départements. D’abord la fameuse taxe d’habitation : elle rapporte en tout 22 milliards d’euros, soit 25% des recettes liées aux impôts locaux et 10% de l’enveloppe globale des collectivités. S’y ajoutent deux taxes foncières, dont les recettes sont juteuses du côté des propriétés bâties (31,9 milliards d’euros en 2016), beaucoup moins pour le non bâti (1 milliard).
Enfin, quatrième ressource locale : les impôts économiques. Ils regroupent la cotisation foncière des entreprises, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux et la taxe sur les surfaces commerciales.
Impôts directs dont disposaient les collectivités locales en 2016 (en milliards d’euros)
A l’échelle d’une commune, ça donne quoi ? L’exemple de Wittenheim
Le gouvernement souhaite désormais exonérer 80% des contribuables de la taxe d'habitation, ce qui se traduira par un manque à gagner à l'échelon local. D'autant que le gouvernement demande aussi aux collectivités de davantage se serrer la ceinture. Ces annonces ont semé le trouble du côté des élus, et dans les budgets des communes.
Prenons l’exemple de Wittenheim, dans le Haut-Rhin. Les 15 000 habitants de cette commune ont des revenus plutôt modestes. Dans ce territoire marqué par l’industrie minière, beaucoup d’ouvriers se sont reconvertis dans l’automobile tandis que les mines fermaient. Et il y a plus de 20% de logements sociaux.
Le budget de Wittenheim est de 13 millions d’euros par an pour les dépenses de fonctionnement et de 7 millions pour l’investissement, soit un budget global de 20 millions d’euros. 55% des recettes de fonctionnement de la commune proviennent de la fiscalité locale et 25% sont issues de dotations de l’Etat. Le reste provient principalement des services que fournit la mairie (location de salles, entrées de l’école de musique…).
Recettes de fonctionnement de la ville de Wittenheim sur un an (en millions d’euros)
La taxe d'habitation, fixée à un taux de 10%, rapporte 1,68 million d'euros. C'est le deuxième pôle de recettes parmi les impôts locaux (5,15 millions), derrière la taxe foncière sur le bâti, à un taux de 19% et qui représente un gain de 2,5 millions d'euros par an. Pour Antoine Homé, le maire PS de Wittenhiem, aussi vice-président chargé des finances à l'agglomération de Mulhouse, «notre autonomie fiscale va s'effondrer, nous n'aurons plus aucun levier face à la baisse de dotation de l'Etat. Les impôts locaux sont aussi une façon de contribuer aux services publics, c'est un lien avec les citoyens. Cette mesure va à l'encontre de notre mission de cohésion sociale.»
Distribution des recettes des impôts locaux à Wittenheim en 2017 (en millions d’euros)
Les dotations de l'Etat, elles, sont en baisse depuis plusieurs quelques années dans sa commune. «En cinq ans, nous avons déjà perdu 60 000 euros de DGS, soit 5% de nos recettes de fonctionnement», déplore Antoine Homé. L'effort de 13 millions d'euros de la part des collectivités locales demandé par le gouvernement est, selon lui, «une erreur». Selon ses calculs, il perdrait 900 000 euros de recettes en quelques années, soit 7% de la somme dont il dispose pour le fonctionnement de sa commune. A terme, il ne lui resterait donc plus que 1 million d'euros de dotations de l'Etat par an, contre 1,9 aujourd'hui.
Des recettes qui seraient insuffisantes pour compenser les dépenses actuelles de la commune, dont la moitié est consacrée au personnel communal, le reste étant alloué aux charges d’entretien (subventions aux associations, restauration des bâtiments…).
«Si les dotations baissent et que la taxe d'habitation est supprimée, on détruit les moyens des collectivités locales. Le sport, la culture, l'éducation, l'accès aux crèches… Ce sont les services aux habitants qui seront touchés», précise le maire, également président de la commission des finances de l'Association des maires de France. Sans compter qu'avec des comptes rabougris, les communes pourraient être davantage réticentes à investir, «notamment dans le BTP français».