Menu
Libération
billet

Avec les jeunes insoumis, l’Assemblée se déplace sur le Net

ssemblée nationale le 10 jullet. Photo Bertrand Guay/AFP (AFP)
publié le 20 juillet 2017 à 19h56

Les députés se répartissent traditionnellement en deux groupes : les bons et les mauvais élèves, en fonction de leur degré de participation aux travaux législatifs. Du côté des mauvais élèves, c'est une véritable révolution qui s'est opérée. Les 351 députés LREM ont inventé une nouvelle forme de parlementarisme : les députés absents ont été remplacés par des députés silencieux. Ne prenant jamais la parole, ne déposant jamais d'amendement, ils ne font qu'appuyer sur un bouton quand on leur demande. Typique des bullshit jobs modernes, le travail du député LREM est profondément ancré dans son siècle. Comme tous les métiers inutiles, il ne fait aucun doute que ces députés seront tôt ou tard remplacés par des algorithmes : n'importe quel bot Facebook est plus évolué technologiquement qu'un parlementaire LREM. On parle moins de la révolution en marche du côté des bons élèves. L'Assemblée a toujours eu ses premiers de la classe, un groupe d'une cinquantaine de députés qui passe des nuits entières à réécrire les lois. Lors de la mandature précédente, ils s'appelaient André Chassaigne, François Brottes, Marc Le Fur ou Charles de Courson. Cette année, on citerait plutôt les députés France insoumise Adrien Quatennens, François Ruffin, Ugo Bernalicis et Danièle Obono. Les jeunes nouveaux pratiquent un parlementarisme rénové où le combat politique ne se fait pas tant dans l'anonymat de l'hémicycle que dans la ferveur des réseaux sociaux. Face à une majorité sourde, les députés FI s'adressent aux seules personnes qui veulent bien les entendre : «le petit peuple des Internet». Leurs interventions à la tribune sont immédiatement disponibles en catch-up sur Internet, sur Twitter, Facebook ou YouTube. Et le plus étonnant, c'est qu'elles marchent. Elles cartonnent même. Au milieu de cette turbulente troupe, Mélenchon ferait presque ringard, comme si les stagiaires de 3e avaient dépassé le maître. Le bruit et la fureur du vieux tribun sont un peu occultés par la finesse de ses jeunes lieutenants. Le nouveau monde, c'est le deputé-next-door qui vient proférer à la tribune ce que tout le monde pense sans avoir l'occasion de le dire ailleurs que dans les commentaires Facebook des sites d'info. A l'Assemblée, les députés FI ne servent à rien («évidemment» qu'ils ne servent à rien), ils sont minoritaires et le savent bien. Mais sur Internet, ils seront bientôt majoritaires. Face à l'absence quasi totale du Parti socialiste dans le débat public, les séquences des députés FI à l'Assemblée représentent la vraie opposition. Une opposition qui a d'autant plus de force qu'elle parle toujours de fond. Sans passer au tamis des journalistes qui ramènent sans cesse à la politique politicienne.