En lançant début juin sa réforme du droit du travail, le gouvernement se gargarisait d'inaugurer «48 réunions» de concertation, gage selon lui d'une démarche à l'écoute des partenaires sociaux. Tout plutôt que reproduire le fiasco de la loi El Khomri et ses longs mois de contestation, faute d'avoir su déminer le terrain avec les syndicats.
Jusqu'à ce jeudi, où les leaders patronaux et syndicaux sont reçus à Matignon pour officiellement clore les débats. «Il y a eu un satisfecit global sur la méthode», se congratule l'entourage du Premier ministre, selon qui chaque camp a pu «comprendre les objectifs du gouvernement et s'exprimer». Méthode Coué ? Les syndicats, en tout cas, ne font pas la même analyse. «Il y a bien eu une concertation, admet la numéro 2 de la CFDT, Véronique Descacq, mais peu de décisions ont été prises. Le gouvernement fait-il le pari du renforcement du dialogue social ou de la dérégulation pure et simple ? On a du mal à savoir où il veut aller.» Si Muriel Pénicaud n'a cessé de vanter une «coconstruction» de la réforme, le secrétaire confédéral de la CGT, Fabrice Angéi, corrige : «C'était une discussion, un échange. On n'a jamais eu de texte sous les yeux.»
Au cours des séances, le dircab de Pénicaud, Antoine Foucher, distillait à l’oral des pistes plus ou moins floues, décrivent les participants, retardant d’autant leur prise de position syndicale.
Sur le fond aussi, les désaccords perdurent. Concernant la place respective des accords de branche et d’entreprise, premier «bloc» de la réforme, Matignon assure que les syndicats n’ont finalement agité aucun «chiffon rouge». La CFDT pourrait se satisfaire du projet, qui donne la part belle aux accords d’entreprise, à l’exception de quelques domaines réservés aux branches. FO aussi, car le gouvernement envisageait à l’origine une réforme plus radicale. La CGT et la CFE-CGC restent, elles, très hostiles à la possibilité pour les entreprises de négocier les règles du CDD - une petite révolution.
D’autres options polémiques, comme le plafonnement des indemnités prud’homales, le référendum d’entreprise ou la refonte des PSE restent sur la table. Sur tous ces sujets, le ministère du Travail s’est bien gardé d’avancer des éléments précis. Le suspense devrait se prolonger jusqu’à la semaine du 21 août. Les partenaires sociaux seront alors à nouveau convoqués pour un ultime cycle de rencontres sur le détail des réformes. Mais la rédaction des ordonnances sera alors sur le point de s’achever. Et la marge de manœuvre s’annonce très mince.