«Efficacité et générosité.» Tels sont les mots choisis par Gérard Collomb pour résumer la politique migratoire du gouvernement. Dans une interview au JDD, le ministre de l'Intérieur jongle entre ces deux registres. Une contradiction qu'il tente de résoudre en faisant la distinction entre les réfugiés politiques qui sont les bienvenus et les migrants économiques à reconduire à la frontière avec plus d'efficacité, c'est-à-dire de fermeté. «Nous accueillons tous ceux qui fuient les guerres et persécutions, mais nous distinguons les réfugiés de ceux dont la migration obéit à d'autres ressorts, notamment économiques», explique l'ancien maire de Lyon.
Gérard Collomb confirme l'ouverture de deux centres d'accueil «loin de Calais et Dunkerque». «Nous créerons 3 500 places en 2018, annonce celui qui souhaite également accélérer le traitement des situations administratives pour permettre aux personnes qui déposent des demandes d'être hébergées dans les places existantes.» Un projet de loi visant à réduire à six mois la procédure d'examen du droit d'asile est ainsi en cours de préparation.
Intransigeance
Par ailleurs, le ministre de l'Intérieur dit vouloir enrayer le trafic humain : «Il faut arrêter tous les parcours de trafics d'êtres humains qui traversent notamment le Niger, puis la Libye et franchissent ensuite la Méditerranée jusqu'à l'Italie. Les autorités nigériennes, en accord avec nous, ont fait beaucoup : une ville comme Agadez est aujourd'hui sécurisée par le gouvernement nigérien. Et nous allons y envoyer une mission de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour examiner les situations des gens qui arrivent ici.»
Gérard Collomb l'affirme, l'accueil des migrants divise les Français : «Les enquêtes d'opinion montrent une réticence de plus en plus grande.» Une situation qui pousse ainsi le ministre à jouer la carte de l'intransigeance. «20% des places en centres d'accueil et de demandeurs d'asile (Cada) sont occupées par des gens qui viennent d'Albanie, sans visa, et qui font une demande d'asile en arrivant en France. Avec le Premier ministre albanais, nous avons décidé de mettre fin à cette situation.»
Compréhensif envers Natacha Bouchart
Gérard Collomb se montre également très compréhensif envers Natacha Bouchart, la maire LR de Calais qui refuse d'ouvrir des points d'eau pour les migrants, à rebours des injonctions du Défenseur des droits et du Conseil d'Etat. «Il faut se mettre à la place des habitants après plusieurs années de grande difficulté. Dans le Calaisis, j'ai rencontré tout le monde. Et tous, quelles que soient leurs opinions politiques, ressentent une profonde angoisse. Nous ferons donc des sanitaires mobiles, annonce le ministre, tout en rappelant que des camions sont pris d'assaut : nous avons comptabilisé, depuis le 1er janvier, 17 867 intrusions sur le port et dans l'Eurotunnel !»
Quant aux accusations de violences policières – évoquées par un rapport de l'IGN et l'IGA – sur le site de Calais où demeurent encore 350 immigrés, le ministre dément : «Certaines affirmations sont totalement fausses. Dans le rapport de Human Right Watch, il est indiqué que les forces de sécurité auraient utilisé des gaz «poivre». Or ce type de gaz n'est pas utilisé en France.»
Parallèlement, le ministre confirme le renforcement des effectifs policiers annoncé pendant la campagne : «Nous allons continuer à recruter policiers et gendarmes, 10 000 postes durant le quinquennat. Nous équiperons nos policiers de tablettes numériques.»
Fidèle au Président, Gérard Collomb applique donc la technique du «en même temps». Sur les questions migratoires, la France se montrera accueillante, et en même temps, intransigeante.