Après la tentative d'un déséquilibré samedi soir à la tour Eiffel, les militaires de l'opération Sentinelle ont de nouveau été visés par une attaque, mercredi matin à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour «tentatives d'assassinats sur personnes dépositaires de l'autorité publique en lien avec une entreprise terroriste». Ce n'est pas la première fois que les soldats déployés sur le sol français sont pris pour cible. En mars, un homme de 39 ans avait tenté d'agresser une patrouille dans l'aéroport d'Orly avant d'être abattu. Quelques semaines plus tôt, début février, un Egyptien de 29 ans avait légèrement blessé un militaire avec une machette, un geste considéré là encore comme terroriste par le parquet de Paris.
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D'autres précédents, à Valence en janvier 2016 et à Nice en février 2015, ont donné à l'opération la réputation de servir de paratonnerre. «Sentinelle permet de fixer la menace», nous confiait tout en euphémisme un haut responsable français l'année dernière. Initiée après l'attentat de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher en janvier 2015, elle s'est installée dans la durée, mais fait de moins en moins consensus. 7 000 soldats sont aujourd'hui déployés dans les rues des grandes villes et jusqu'à 10 000 en cas d'attentat.
«Revenir en profondeur sur l'organisation»
La veille du défilé du 14 Juillet, Emmanuel Macron a annoncé dans son discours à la communauté de la défense une évolution à venir : «Nous proposerons à l'automne une nouvelle doctrine d'intervention qui permettra de revenir en profondeur sur l'organisation de Sentinelle afin d'avoir une plus grande efficacité opérationnelle et de prendre en compte l'effectivité et l'évolution de la menace.» Quelques jours plus tard, lors de son déplacement sur la base aérienne d'Istres, son entourage précisait : «Il n'y aura pas un soldat en moins [sur le territoire national] d'ici au 31 décembre 2017.»
Une volonté réaffirmée lundi par la ministre des Armées. En visite auprès des militaires patrouillant sur le bassin de la Villette, dans le nord-est de Paris, Florence Parly a confirmé que «Sentinelle restera en place tant qu'elle sera utile à la protection des Français». «Il faut maintenant s'inscrire dans la durée, et déployer nos efforts de façon un peu différente. L'objectif est de s'adapter sans cesse à la menace.»
Le dispositif a déjà connu des ajustements. Outre leur nombre, les militaires ont vu leurs missions évoluer avec la fin des gardes statiques en septembre 2016, remplacées par des patrouilles mobiles, jugées moins aliénantes. Alors que les candidatures dans l'armée ont afflué lors de la vague d'attentats de 2015, beaucoup d'engagés n'ont pas trouvé ce qu'ils cherchaient. «Quand on nous a dit que l'opération allait durer sur le long terme, il y a eu une vague de départs dans le régiment», témoignait récemment un jeune militaire, cité par le Monde.
La haute hiérarchie en a bien conscience. «Nos jeunes s'engagent pour l'action et pour voir du pays. Quand on leur dit que leur première mission sera "Sentinelle" à la gare du Nord, cela ne les fait pas rêver. Je ne vais pas raconter des histoires : ils se sont engagés d'abord pour partir au Mali ou sur d'autres théâtres d'opérations extérieurs», racontait le chef d'état-major de l'armée de terre lors de son audition à l'Assemblée nationale. Pour enrayer les départs et rétablir le moral des troupes, le général Bosser propose une refonte de l'opération : 3 000 soldats pour les zones touristiques parisiennes, 3 000 en réserve «en cas de coup dur» (donc d'attentat) et 3 000 consacrés à l'«anticipation».