«Aujourd’hui encore, quand je croise des copains d’Act Up, je suis toujours émue. Act Up a été une force militante énorme qui se prolonge dans d’autres domaines, notamment celui de l’environnement. Je pense aussi au mouvement altermondialiste basque Bizi, et puis le DAL existe toujours, Greenpeace aussi. Act Up a été un moment important de ma vie. J’y ai découvert l’essence même de l’engagement. Un jour, j’avais alors 17 ans, un copain qui était à SOS Racisme me propose de venir à un nouveau "truc" : c’était Act Up qui organisait, le 4 avril 1992, une journée du désespoir commémorant les morts du sida. La dramaturgie était forte. On a défilé avec des croix, il y avait des corbillards, et certains portaient des photos de leurs disparus. Pour moi, ça a été un choc. Jusque-là, je n’avais pas pris conscience de ce qu’était le sida. J’avais remarqué leurs affiches avec un triangle rose. C’est tout. C’est comme ça qu’après avoir milité à la Fidl, j’ai décidé de rejoindre Act Up. J’étais encore en terminale, mais j’allais aux fameuses réunions du mardi soir. On était peu à avoir moins de 20 ans. Et à être hétéros. On m’a choisi un parrain : Marc Maryns, figure des premières années d’Act Up. Je me suis investie à fond. Je m’étais lancée dans des études de droit, j’étais chargée du contact avec les avocats, pour des procès sur des manifs non déclarées ou pour attaquer un fabricant qui avait lancé des lingettes antisida !
«Puis j’ai été vice-présidente chargée du lobby, trésorière, etc. On formait vraiment une collectivité. On bossait beaucoup, mais on sortait en boîte. On partageait les décès, les injustices de ceux qui avaient été abandonnés par leur famille par exemple. A cette époque, il y avait aussi le DAL, le mouvement des sans-papiers, mais Act Up était spécial par sa stratégie. Les militants parlaient d’eux-mêmes, à la première personne, les visages des malades incarnaient la maladie. On utilisait nos corps pour manifester face à ceux qui ne voulaient pas voir l’homosexualité et ce sida dont ils crevaient. Certains évoquent de la violence. Mais il n’y a jamais eu de violence physique. C’était symbolique. On n’hésitait pas à traiter les ministres d’assassins… On avait la rage. Et on a arraché des trucs comme le remboursement à 100 % des soins pour les séropositifs. Puis les trithérapies sont arrivées en 1996. On s’est battus comme des chiens pour que tout le monde en bénéficie. Jusqu’en 1996, c’était l’hécatombe. Les gens étaient investis dans le militantisme par survie. Là, leur vie pouvait repartir et ils avaient beaucoup donné. Du coup, s’est posée la question de la relève, alors qu’elle avait toujours été assurée par des homos séropositifs. Le mouvement ne pouvait plus continuer qu’avec des séropos. Philippe Mangeot m’a poussée à devenir présidente en 1999. Bien sûr, j’y suis allée. Et j’y suis restée jusqu’en 2005. C’est dans le cadre d’Act Up que, pour la première fois, j’ai rencontré des Verts (Voynet, Bennahmias, Mamère). Il n’y a qu’eux qui nous aidaient. L’écologie s’est ensuite imposée à moi comme combat. Et quand je suis devenue ministre, j’ai essayé de ne pas faire ce que je reprochais aux ministres du temps d’Act Up, notamment l’indifférence ou le mépris.»