Dans le dossier Act Up des archives de Libé, et désormais dans toute publication paraissant sur l'histoire du collectif, on retrouve une écrasante majorité de clichés signés Jean-Marc Armani. A l'époque novice en photojournalisme, il a 25 ans et vient de débarquer de Marseille, où il a grandi :
«A Paris, très vite, je suis tombé amoureux d'une fille, une beauté de 20 ans qui m'a dit qu'elle était séropositive. Je suis tombé de l'arbre. Pour moi, c'était une maladie lointaine qui touchait les homos. Je ne savais pas comment l'aider, j'ai vu apparaître cette association qui faisait des coups d'éclat rageurs et je me suis dit qu'il fallait les suivre, leur donner un coup de main, en faisant des photos. J'ai commencé à travailler en couleur et j'ai montré les photos au chef du service de Libé, Laurent Abadjian. J'ai commencé à bosser pour le journal, à faire du news, toujours en noir et blanc (c'était une demande) et dès qu'Act Up faisait une action, on me demandait d'y aller. A Act Up, j'ai découvert un monde. J'étais l'hétéro de base méditerranéen qui n'avait jamais eu affaire à un gay de sa vie et là, je déboulais dans une assemblée de mecs déchaînés, beaucoup de folles furieuses avec des tempéraments bien trempés, qui n'avaient peur de rien. J'ai adoré ça, il y avait une urgence, du spectacle, des gens qui criaient, pleuraient, balançaient des vannes. Il y avait des filles mais des lesbiennes dures avec qui il ne fallait pas trop s'accrocher. Je me faisais draguer par tous les mecs qui faisaient des paris, c'était à qui allait décrocher l'hétéro de Marseille ! Je venais d'un milieu communiste, j'ai toujours voulu m'intéresser au social. Et à Act Up, c'était frappant à quel point tout le monde était sur un pied d'égalité, ils se battaient aussi bien pour les gays et lesbiennes que pour les toxicos ou les taulards. L'urgence, la colère, le risque de la mort, ça fait prendre conscience qu'on est tous pareils, et qu'on ne va pas se sauver individuellement mais ensemble. Et puis j'aimais bien qu'ils bouffent du curé, qu'ils insultent les politiques, les labos, qu'ils secouent le cocotier. La bonne société judéo-chrétienne se prenait un bon coup de pied au cul. Je me souviens de Clews Vellay, un gars en colère avec un charisme dingue et une vision politique. Il pouvait hurler, réveiller une assemblée, il donnait un axe. Parfois, il avait un regard qui vous paralysait.»