Sur le fond, Emmanuel Macron a raison. Le système des travailleurs détachés, qui permet à certains Européens d’aller travailler à l’étranger en échappant à une partie des règles sociales du pays d’accueil, a dérapé. Son principe n’est pas forcément mauvais, et on exagère souvent ses effets négatifs sur le marché du travail. Mais, dans de très nombreux cas, la directive européenne qui encadre ces opérations est contournée et une fraude massive s’est installée. C’est ainsi que le spectre du dumping social s’est matérialisé, suscitant la méfiance croissante d’une grande partie des salariés et fournissant aux adversaires de l’Union un argument en or qu’ils ne se sont pas privés d’utiliser avec succès. Dans ces conditions, à moins de s’en tenir à une vision purement économique ou technocratique, les autorités européennes commettraient une faute politique grave en ne prenant pas la mesure du problème. Elles conforteraient, en tout cas, tous ceux qui estiment que la «concurrence libre et non faussée» des traités européens est un moyen pernicieux d’instaurer la guerre de tous contre tous dans le monde du travail. Rien de tel pour délégitimer à grande vitesse la construction européenne et favoriser les nationalismes. La Commission l’a en partie compris, puisqu’elle prévoyait déjà de renforcer la directive organisant le détachement des travailleurs. Emmanuel Macron estime qu’on ne va pas assez loin, approuvé en cela par une grande partie des forces politiques françaises. Peut-être brusque-t-il un peu ses partenaires, ce qui déroge aux traditions de négociation feutrée au sein de l’Union. Mais on ne saurait s’arrêter à ces considérations de forme : la menace populisto-chauvine est suffisamment pressante pour qu’on se résolve, pour une fois, à faire un geste politique et à montrer que l’inquiétude des travailleurs est prise en compte par les eurocrates…
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