Assis l’un face à l’autre, ils dégustent leurs tomates assaisonnées comme tout le monde. Malgré les caméras de télévision, Boris Vallaud et Arnaud Montebourg font comme si de rien n’était. Après tout, lorsque le premier était directeur de cabinet du second à Bercy, ils en ont partagé des repas ensemble. Pas de quoi en faire des tonnes, donc.
En réalité, la dégustation a une saveur particulière. Sous la grande tonnelle installée dans le petit patelin perdu de Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire), à 100 kilomètres de Dijon, les 200 socialistes participants à la fête de la Rose assistent à un passage de témoin. Au moment où Arnaud Montebourg quitte (une fois de plus) la politique, Boris Vallaud, lui, commence tout juste. Enfin quasiment : le député des Landes connaissait déjà les coulisses du pouvoir. En 2008, un certain Arnaud Montebourg le prend sous son aile pour l’emmener jusqu’au ministère de l’Economie. En 2014, François Hollande le sollicite pour devenir secrétaire général adjoint de l’Elysée.
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«On est un peu perdu»
Mais en ce début d'après-midi ensoleillé, les sympathisants socialistes n'ont que faire du parcours du mari de Najat Vallaud-Belkacem. L'assemblée ne demande rien d'autre qu'un successeur à Arnaud Montebourg. Les attentes sont grandes : à Frangy-en-Bresse, Montebourg bénéficie d'une cote de popularité à faire pâlir Emmanuel Macron. Ici, personne n'a oublié sa sortie sur «la cuvée du redressement» en 2014 qui l'obligea finalement à démissionner du gouvernement après la colère de François Hollande. Tout le monde sait également que c'est le frondeur qui a relancé la fête de la Rose alors en perdition au début des années 2000.
Deux paires de couverts en plastique plus loin, Paul attend donc impatiemment l'allocution de Boris Vallaud, prévue à 15 heures. La venue du député des Landes (et invité d'honneur de cette 45e édition) suscite quelques espoirs chez l'homme de 58 ans : «On en a déjà marre de se laisser marcher sur le bout des doigts de pieds par Macron. Aujourd'hui, c'est le top départ pour un nouveau PS. J'espère que c'est ce qu'on va nous dire tout à l'heure», explique-t-il, verre de rosé à la main. «Avec tout ce qui se passe au PS, on est un peu perdu. Je souhaite que ce moment nous serve à y voir un peu plus clair. C'est ce qu'on attend de cette journée», renchérit Maryse, lunettes violettes au bout du nez.
«Changer le monde»
L'heure des prises de parole arrive. Après un discours de Jean-Christophe Picard, président de l'association Anticor, puis de Cécile Untermaier, députée de Saône-et-Loire, vient le tour du porte-parole du groupe Nouvelle Gauche au Parlement. Forcément, le député des Landes commence par un hommage à Arnaud Montebourg. «Merci de m'avoir appris à penser librement», lâche-t-il sous le regard attendri de l'ancien ministre de l'Economie. Pour le reste, le parlementaire s'adresse directement à la grosse centaine de sympathisants face à lui. Et pour être sûr d'être à la hauteur des attentes, Boris Vallaud ne prend pas de risques. En citant Victor Hugo, en dénonçant la politique ultralibéraliste d'Emmanuel Macron et la rémunération de certains chefs d'entreprise, en rappelant l'importance de la gauche dans le paysage politique français, la nouvelle figure du PS n'est guère imprudente.
«Il n’y a pas d’un côté le peuple éclairé d’En marche et de l’autre la foule imbécile de l’opposition. De notre côté, nous savons regarder la réalité en face avec nos réussites et nos échecs. Nous ne cherchons pas à nous décrasser de ce que nous sommes fondamentalement, c’est-à-dire de gauche […]. Ce qui nous distingue, c’est que nous ne confondons pas la modernité avec la mode […]. Nous ne devons pas renoncer à changer le monde», déclare-t-il. Certains jubilent, beaucoup applaudissent, d’autres n’écoutent plus. Qu’importe, Boris Vallaud a convaincu. Arnaud Montebourg peut aller faire du miel apaisé.