Menu
Libération
Rentrée politique

Oppositions : «Il faut que Macron apprenne à respecter les autres»

Un morceau de la droite au Touquet, une partie du PS à Paris, Montebourg et Boris Vallaud à la Fête de la rose et les insoumis sous le soleil marseillais : la rentrée politique, ce week-end, a permis aux grands partis de se préparer alors que s’annonce la bataille sociale dès septembre.
Eric Woerth et Xavier Bertrand (LR) au Touquet-Paris-Plage, le 26 août 2017. (Photo Albert Facelly)
par Rachid Laïreche, Pierre Steinmetz, Antoine Piel, (à Paris) et Tanguy Garrel-Jaffrelot, (Au Touquet)
publié le 27 août 2017 à 20h26

Un week-end chargé. Alors que Macron a une nouvelle fois chuté dans les sondages, l’opposition s’est dispatchée sur tout le territoire afin de préparer l’avenir et la rentrée sociale qui s’annonce piquante. Une petite partie de la droite était au Touquet, la direction du PS s’est réunie à Paris - à la recherche de la lumière -, pendant que la nouvelle figure socialiste, Boris Vallaud, après avoir passé une tête aux débats socialistes parisiens, a rejoint Montebourg à Frangy dimanche. Quant à La France insoumise de Mélenchon, elle était dans son nouveau fief, à Marseille, entouré de 3 000 militants.

LR Samedi, 12 h 45, Le Touquet

L'université d'été de Les Républicains est perturbée par l'arrivée des époux Macron, qui ont décidé de passer le week-end dans leur maison familiale du Touquet. Et en profitent pour un premier bain de foule sous l'œil des caméras. Daniel Fasquelle, qui a annoncé sa candidature à la tête de LR quelques heures plus tôt, fait part de son agacement : «C'est de la provocation, c'est déplaisant, un peu mesquin et même un peu puéril.»

PS 14 heures, Maison de la chimie

Le couple Boris Vallaud et Najat Vallaud-Belkacem arrive. Les caméras, qui entourent le sénateur David Assouline, se tournent immédiatement vers eux. Ils entrent sans un mot. Quelques instants plus tôt, Jean-Christophe Cambadélis profitait de l'interview de Matthias Fekl pour se faufiler en catimini. «Je me cache au fond de la salle et j'écoute», confie-t-il sur le ton de la blague. A l'intérieur, les socialistes sont concentrés sur une présentation de l'état de l'opinion par le démographe Hervé Le Bras, avant de parler statuts et congrès. Dans les têtes, déjà, la direction du parti. Marie-Noël Lienemann est en mode bazooka : «Le Foll veut changer le nom du parti tous les quarts d'heure, mais son coup de com pour faire parler, ça ne va pas marcher. Et Hollande qui prétend que ça va mieux, qu'il se taise !» La plupart des ténors insistent néanmoins sur la nécessité de maintenir l'unité.

LR 14 h 15, Le Touquet

Les ateliers de la refondation, commencés dans la matinée, reprennent au Palais des sports, campus de l'université d'été. Thème du débat : comment rajeunir les structures militantes ? Défi de taille, quand, en sept ans, les Jeunes Républicains sont passés de 30 000 à 10 000 adhérents, à l'image de cette 6e édition qui a réuni 300 militants, contre 1 500 l'an dernier. «Il faut aller chercher les jeunes en boîte de nuit !» propose Pierre-Henri Dumont, député du Pas-de-Calais. Daniel Fasquelle applaudit son jeune poulain.

LFI 14 h 30, Marseille

La veille, la députée européenne écolo était à Dunkerque pour assister à la rentrée de son parti, EE-LV. Ce samedi, Michelle Rivasi est à Marseille. La France insoumise l'a invitée à participer à un débat dans les locaux de la fac de sciences. A la buvette, elle attend son café. Elle est à l'aise au milieu des insoumis et souhaite une évolution entre les différentes organisations à gauche : «Mélenchon n'est pas notre ennemi, nous pouvons discuter et travailler avec lui tout en gardant notre identité. J'espère qu'on fera les efforts nécessaires, et lui aussi. Sinon, la gauche va se faire hara-kiri.»

Une heure plus tard, Clémentine Autain a le sourire. La députée de Seine-Saint-Denis apprécie l'ambiance et les débats. On lui parle de l'avenir. Comme tous ses copains du coin, elle évoque la manif qu'organise La France insoumise le 23 septembre à Paris contre la loi travail. Selon elle, Emmanuel Macron «glisse dans un toboggan à grande vitesse». Comprendre, la chute approche. Au même moment, François Ruffin déboule avec ses deux enfants. Un couple propose des bonbons aux marmots. Ils acceptent. Le député de la Somme sourit : «Merci, c'est super gentil, parce qu'ici, il n'y a que du bio, pas un Coca ni même un kebab.»

Jean-Luc Mélenchon (LFI) dans le Panier à Marseille. Photo Olivier Monge. MYOP

LR 16 heures, Le Touquet

La table ronde sur les finances publiques débute sur le campus d'été LR. Eric Woerth est en colère et tient à le faire savoir. Son parti n'a pas été sollicité pour la réforme du code du travail : «Quand on a réformé les retraites, on a consulté tous les partis, y compris le FN et le PS.» Les élus locaux ne sont pas en reste et poussent tour à tour leur coup de gueule. Le maire de Châteauroux (Indre), Gil Avérous, rappelle qu'avec les baisses de dotations des collectivités, «les temps sont durs pour les élus».

LFI 17 h 45, Marseille

Dans un amphi, Sophia Chikirou, directrice de la com de La France insoumise, présente ses invités. Parmi eux, Thomas Guénolé et Aude Lancelin, l'ancienne journaliste de l'Obs. Thème du débat : «Faut-il dégager les médias?» L'amphi bondé hurle «ouiiiiiii» en chœur.

LR 22 heures, Le Touquet

L'agacement de ténors républicains n'empêche pas le Président de récidiver pour un nouveau bain de foule dans la soirée. Plusieurs cars de CRS ont été mobilisés et un poste opérationnel à dû être mis en place pour assurer la sécurité du chef de l'Etat. «Il faudrait qu'il apprenne à respecter les autres», s'énerve Fasquelle. De la «jalousie», a réagi Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, sur Twitter.

LFI 19 heures, Marseille

La France insoumise quitte l'université et défile dans la ville. Ils sont près de 3 000 sous le regard de la police et des curieux aux fenêtres. Les députés, à l'avant du cortège, multiplient les «coucou» et lâchent quelques pas de danse. Le soir, ils se retrouvent aux Docks des Suds pour une fiesta. La presse n'est pas invitée. «J'ai vu quelques pas chaloupés, tout est sur mon portable mais je n'ai pas le droit de les partager», confie Clémentine Autain.

LR 19 h 30, Le Touquet

Xavier Bertrand avait exhibé son bronzage estival en short et lunettes de soleil tout l'après-midi, mais pour son intervention du soir, le président de la région des Hauts-de-France sort le costard-cravate. Exploit pour la droite, il réussit à faire applaudir les fonctionnaires : «Je n'aime pas la façon dont on parle des fonctionnaires. Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac.» Le moment de faire le bilan de la primaire arrive. Les militants présents hurlent un «non» collectif lorsqu'on leur demande s'ils referaient aujourd'hui une primaire.

LR 20 h 17, Le Touquet

C'est entouré d'un pareterre d'élus et d'une poignée de militants portant des tee-shirts au nom de son mouvement politique, Sauvons la droite, que Daniel Fasquelle commence son discours de candidature à la présidence LR. Le député du Pas-de-Calais entend réunir une «famille politique déchirée, déstabilisée et traumatisée». L'actuel trésorier de Les Républicains n'a pas peur de le reconnaître : il craint que la droite disparaisse et se fragmente en plusieurs partis. Une chose à faire : «Exclure ceux qui nous ont affaiblis et tenter de séduire les [parlementaires] "constructifs" pour qu'ils reviennent.» Autrement dit, au revoir les Gérald Darmanin, Edouard Philippe, et Bruno Le Maire. Et Thierry Solère. En attendant, pour conquérir la tête du parti, le candidat entend créer «En marche à droite».

PS Dimanche, 10 heures, Maison de la chimie

Deuxième jour de séminaire de rentrée pour le PS. Le sondage vient de tomber, Macron perd 14 points. «C'est une chute historique, commente le président de groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Olivier Faure. Les Français pensaient avoir élu Macron, ils ont élu Juppé.» Les socialistes se placent clairement dans l'opposition. «Nous allons consulter les organisations syndicales avant de décider si nous manifestons», annonce Rachid Temal, membre de la direction provisoire. Pourtant, ce n'est pas de ligne politique qu'ont débattu les socialistes mais d'«une feuille de route». Des assises de «la refondation» auront lieu en décembre avant un congrès en février 2018. La ligne, elle, attendra.

Jean-Christophe Cambadélis et Valérie Rabault (PS), à Paris. Photo Stéphane Lagoutte. MYOP

LFI 11 heures, Marseille

La France insoumise se retrouve au Panier, un quartier du centre-ville. Le soleil tape sur les nuques. C'est ici que Jean-Luc Mélenchon va prononcer son discours de rentrée. Posté près de la presse, la nouvelle coqueluche de La France insoumise, Adrien Quatennens, guette les militants et l'ambiance. Il revient sur ses premiers pas au Palais-Bourbon. Le succès, les regards, les photos, les sollicitations. «C'est vrai que c'est parti très vite, mais c'est pour la bonne cause. Je me suis fait remarquer, mais la prochaine fois, ce sera un autre de mes collègues», promet-il.

Fête de la rose 12 heures, Frangy

«On attend le poulet et les discours.» Pour cette 45e Fête de la rose à Frangy-en-Bresse, Maryse et Paul connaissent la musique. Assis sagement devant leurs assiettes, les retraités viennent chaque année au rassemblement socialiste relancé par Arnaud Montebourg, il y a quinze ans. Visiblement, il y a deux choses à ne pas louper : le repas à 12 euros et le discours de Boris Vallaud, invité d'honneur de cette édition. Deux paires de couverts en plastique plus loin, Paul aussi attend l'allocution de Boris Vallaud. La venue du nouveau député des Landes suscite quelques espoirs chez cet homme de 58 ans, verre de rosé à la main : «On en a déjà marre de se laisser marcher sur le bout des doigts de pied par Macron. Aujourd'hui, c'est le top départ pour un nouveau PS, j'espère que c'est ce qu'on va nous dire tout à l'heure…»

Boris Vallaud et Arnaud Montebourg (PS), à Frangy-en-Bresse. Photo Laurent Troude

Vingt minutes plus tard, il n'a même pas franchi le portail qui mène à la scène où l'attendent 200 socialistes venus participer à la Fête de la rose que Boris Vallaud est déjà encerclé d'une dizaine de journalistes. Interrogé sur la dégringolade de «Jupiter» dans les sondages, l'ancien directeur de cabinet d'Arnaud Montebourg préfère botter en touche : «Permettez-moi de ne pas devenir un commentateur du quotidien d'Emmanuel Macron», lâche-t-il. «Je suis là pour me remonter les manches comme tous ceux qui sont ici», explique l'homme de 42 ans. Sans prétention, il précise à Libération un peu plus tard : «Je veux expliquer en quoi la gauche est plus nécessaire que jamais. Après, je n'ai pas forcément toutes les réponses, moi aussi je suis un peu perdu, parfois, face à la situation.»

LFI 11 h 45, Marseille

Jean-Luc Mélenchon monte sur scène. Le député vante la ville de Marseille ouverte sur le monde et qui regarde «vers Alger et Tunis». A la fin du mois de juillet, le tribun paraissait fatigué après une année folle. Quelques semaines plus tard, il a l'air en forme. Tout au long de son discours, Jean-Luc Mélenchon s'adresse «au peuple» afin de lutter contre le «coup d'Etat social» et le «gouvernement des riches pour les riches». «Pas de blabla mais du combat», lance-t-il. Emmanuel Macron est prévenu.

LR 12 h 30, Le Touquet

C'est face à une audience somnolente et composée d'une majorité de personnes âgées que l'université d'été du Touquet s'achève. Pour un campus organisé par des jeunes et censé incarner le renouvellement, l'assistance, clairsemée, fait un peu tache. Florence Saillet, l'outsider dans la course à la présidence LR, ajoute une chaise devant les caméras. Jamais élue et inconnue du grand public, la jeune femme souhaite apparaître sur la photo aux côtés de Daniel Fasquelle, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand. Natacha Bouchart, la maire de Calais, prend la parole : «Jamais une campagne présidentielle n'a été aussi médiocre. Aucun sujet de fond n'a été évoqué.» Mais c'est avant tout pour Valérie Pécresse que la centaine de militants présents dans la salle se sont déplacés. Après Bordeaux dimanche, la présidente de la région Ile-de-France vient faire la promotion de son mouvement «Libres !», qu'elle présentera le 10 septembre à Argenteuil. Son objectif ? «Faire vivre au sein des LR une droite sociale, réformatrice et écologiste», et suivre une ligne «ni Macron, ni Buisson».

Fête de la rose 14 h 20, Frangy

Comme souvent, cela part d'un petit groupe en bout de tablée, avant d'être repris par l'assemblée tout entière. «Arnaud, un discours !» scandent les socialistes présents à Frangy-en-Bresse. L'enthousiasme est manifeste, mais rien n'y fait : Arnaud Montebourg se contente d'un grand sourire, un poil gêné. Arrivé une heure plus tôt sous les applaudissements, l'ancien ministre de l'Economie profite d'une large popularité à Frangy. Ici, personne n'a oublié sa sortie «sur la cuvée du redressement» en 2015, qui l'obligea finalement à démissionner du gouvernement.

Deux heures passent. Après un discours de Jean-Pierre Picard, président de l'association Anticor, puis de Cécile Untermaier, députée de Saône-et-Loire, c'est enfin au tour de Boris Vallaud de prendre la parole. Passage de témoin oblige, le député des Landes commence par un hommage à Arnaud Montebourg. «Merci de m'avoir appris à penser librement», lâche-t-il sous le regard attendri de l'ancien ministre de l'Economie. Pour le reste, Boris Vallaud cite Victor Hugo, dénonce la politique ultralibérale d'Emmanuel Macron et la rémunération de certains chefs d'entreprise, en rappelant l'importance de la gauche dans le paysage politique français. A la fin de son discours, un militant jubile : «Oh, tu as vu ce qu'il a mis dans la figure à Macron ?»