Ils débarquent souvent un peu par défaut, poussés vers la sortie par les électeurs. La liste des politiques se recyclant en chroniqueurs cette rentrée ne cesse de s'allonger. Dernière en date : Axelle Lemaire. Battue aux législatives, l'ex-secrétaire d'Etat chargé du Numérique rejoint France Culture pour discuter innovation, sans pour autant avoir annoncé tirer un trait sur la politique. Dans la même veine, on trouve aussi son ancienne collègue du gouvernement Aurélie Filippetti. Bientôt «polémiste» de l'émission On refait le monde, sur RTL avec l'ex-conseiller en communication Gaspard Gantzer, cette dernière a tenu à préciser : «Je ne suis pas embauchée par RTL, je viens pour participer de temps en temps aux débats […], ce n'est pas une reconversion professionnelle.» Même chose pour l'ex-député PS Eduardo Rihan Cypel, qui occupera ses matinées sur Radio Nova à discuter des «choses de la vie et du monde». «Je suis un acteur politique engagé. Je ne suis pas dans une reconversion, c'est plutôt un autre moment de mon existence publique», explique-t-il à Libération. Côté PS, la casse a été particulièrement sévère, et ils sont donc nombreux à se recaser : il y a aussi Julien Dray, par ailleurs porte-parole du PS après quelques décennies de politique au compteur. Il interviendra dans une émission politique de LCI. Un passage en plateau non rémunéré, tient-il à préciser, se définissant plus comme «un élément du débat politique» qu'un chroniqueur. Ce que confirme Thierry Thuillier, le directeur général de la chaîne, à Libé : «Julien Dray participera à des débats contradictoires avec son point de vue et sa sensibilité politique.»
«Allers-retours». Raquel Garrido, porte-parole des insoumis, devient, elle, chroniqueuse hebdomadaire dans l'émission de Thierry Ardisson sur C8. Sans pour autant couper avec la politique. «Je ne veux pas me faire passer pour ce que je ne suis pas. Le téléspectateur sait d'où je parle : je suis une avocate insoumise», nous assure-t-elle.
A droite, l'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin va investir le plateau de France 2 en tant que chroniqueur dans l'émission de Laurent Delahousse 19 heures le dimanche. Henri Guaino, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy et candidat malheureux à la primaire puis aux législatives, rejoint de son côté la matinale de Sud Radio pour un édito quotidien. Un poste qui semble donc faire office de porte de sortie pour celui qui avait déclaré que ses électeurs étaient «à vomir».
L'ancien député européen Daniel Cohn-Bendit, qui a participé à des émissions sur Europe 1 au début des années 80, avant d'être chroniqueur à partir de 2013, a longtemps fait figure d'exception. En 2012, il est imité par Roselyne Bachelot, embauchée comme chroniqueuse par D8 (devenu C8), avant d'avoir une émission à son nom sur RMC puis d'arriver sur LCI en 2017. L'ex-ministre de la Santé ouvre la voie à une nouvelle génération de politiques. Thuillier reconnaît pourtant que des «allers-retours entre le monde politique et la presse contribuent à un mauvais mélange des genres». Mais ajoute que si LCI a confié à Bachelot «la co-animation d'un programme avec un vrai journaliste», c'est parce «qu'elle est sortie de la vie politique depuis des années».
Miroir. Pour les médias, la recette est gagnante. «Les politiques savent parler de manière concise. Ils ont également une expérience par le vécu que n'aura jamais un journaliste classique», détaille Thuillier. Un responsable de station de radio nous explique avoir tenté plusieurs fois de lancer une émission animée par une personnalité politique, sans succès. En effet, nombre d'entre eux se sont longtemps méfiés du risque de banalisation de leur image en passant de l'autre côté du miroir. Mais avec la vague En marche qui a mis fin à de nombreuses carrières ministérielles et/ou parlementaires, le nombre de chroniqueurs transfuges a, d'un seul coup, explosé. Comme si cette reconversion médiatique était le meilleur moyen pour rester encore un peu visible.