«Nous sommes un pays assez unique ; un pays de calcaire, de schiste et d'argile, de catholiques, de protestants, de juifs et de musulmans ; un pays qui n'a pas d'équivalent en Europe par ses contrastes.» Dès les premiers mots de son grand entretien accordé au journal le Point paru ce jeudi, Emmanuel Macron a trouvé, une fois de plus, de quoi faire tiquer les lecteurs et les journalistes politiques attentifs aux moindres sorties de la présidence de la République. Avec une métaphore géologique pour évoquer les enseignements que tire le chef de l'Etat de ses trois premiers mois de mandat, à savoir que la France est diverse et riche, un territoire de «contrastes», «tiraillé par ses contraires».
Macron au @LePoint. Première réponse. Deuxième phrase : "Nous sommes un pays de calcaire, de schiste et d'argile". Jupiter géologue ! pic.twitter.com/eEz3ECOJfd
— Etienne Girard (@girard_etienne) August 31, 2017
Mais la référence à la lithologie française est-elle correcte ? Est-il exact d'affirmer que la France est «un pays de calcaire, de schiste et d'argile» ? Et bien, oui, selon Patrick de Wever, professeur de géologie du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN). «Il est juste de dire que la France est un pays de calcaire, de schiste et d'argile – et je rajouterai de sables», observe ainsi le géologue. Selon le responsable de l'Inventaire national du patrimoine géologique, «même si le calcaire est dominant», 90% de la surface de la France est couvert par ces types de roches, sans oublier le granite, une roche métamorphique très présente dans les Vosges, la Bretagne et le Massif central. «Le premier à avoir fait cette distinction, c'est Jean-Etienne Guettard en publiant au XVIIIe siècle la première carte géologique au monde, poursuit-il. Donc cela veut dire que notre président a une connaissance de l'histoire des choses.»
A moins que ce ne soit une référence au Tableau politique de la France de l'Ouest, établi en 1913 par André Siegfried. Dans cet ouvrage, aujourd'hui dépassé mais évoqué dès les premières années de sciences politiques, l'historien associait la géologie propre à une région donnée à des structures d'organisation sociale pour en tirer des conclusions sur les comportements électoraux des habitants (masculins) des départements de l'Ouest durant les quarante premières années de la IIIe République. Il en résultait que le sol calcaire induisait un vote de gauche, et le sol granitique un vote de droite (grosso modo). Même si cette analyse précurseure de la sociologie électorale a depuis longtemps été critiquée pour son obsession géographique et ses oublis, notamment certains facteurs historiques du vote.