Le vélo n’a peut-être pas encore remporté la bataille politique mais il gagne au panache question chiffres. Plusieurs études, françaises et internationales, sont formelles : la bicyclette présente de nombreux bénéfices dans les déplacements au quotidien. Elle est aussi un contrepoint écolo, économique et sain au dogme du tout voiture. Et si, bien sûr, tout n’est pas parfait dans la France cycliste (accidents, vols, villes insuffisamment aménagées, etc.), le vélo rapporte gros, tant à l’individu qu’à la collectivité. Selon une étude publiée en 2015 de Stefan Gössling et Andy Choi, économistes à l’université Linné, en Suède, chaque kilomètre à vélo coûte 40 centimes de moins à la collectivité qu’un kilomètre en voiture. C’est encore sans compter avec les gains en termes de santé publique. Examen de la selle au guidon…
L’environnement respire
En ratifiant l’accord de Paris sur le climat, la France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030. Or, la circulation routière est responsable d’environ 35 % de ces émissions, un tel niveau étant une spécificité française. Pour honorer ces engagements internationaux, il est essentiel de diminuer la circulation routière en ville en encourageant le report des déplacements en voiture vers des déplacements dits «durables», comme le vélo. La circulation de véhicules particuliers en ville représente environ 200 milliards de kilomètres par an (d’après le Comité des constructeurs français d’automobiles et une étude Argus de 2015). 40 % de ces déplacements sont des trajets courts et effectués dans 80 % des cas par une personne seule (selon l’Insee, en 2014). Si un dixième de ces kilomètres urbains étaient effectués à vélo, cela représenterait, selon nos calculs, une économie directe de 2 millions et demi de tonnes de gaz à effet de serre dans l’air. A la clé, moins d’émissions de particules fines et de dioxyde d’azote (NOx), donc moins de risques de maladies respiratoires. Sachant que ces dernières sont responsables d’environ 50 000 morts par an en France.
La santé en bonne forme
Le vélo, c'est la santé. Comme la marche et sans doute un peu mieux, car les articulations du cycliste sont davantage préservées. Excellent pour le renforcement musculaire et la stimulation de l'activité respiratoire, la bicyclette contribue à réduire les risques de maladies cardiovasculaires. Des effets positifs sur la santé psychique sont aussi établis. En 2000, une étude du CHU de Copenhague, au Danemark, portant sur plus de 30 000 sujets a d'ailleurs prouvé que faire du vélo de manière régulière pouvait réduire de 28 % le risque de mortalité. Et pas la peine de transpirer pendant des heures sur la selle pour être en bonne santé : selon le docteur Jean-François Toussaint, directeur de l'Institut de recherche biomédicale et d'épidémiologie du sport, «les bénéfices s'observent dès le premier quart d'heure. C'est le premier tour de roue qui va être bénéfique, et ensuite on ne cesse d'augmenter l'importance des bénéfices». Le cycliste est en outre deux fois moins exposé à la pollution que l'automobiliste s'il dispose d'une piste cyclable, selon Airparif.
Le portefeuille s’épaissit
Nouvelle victoire par KO sur la voiture, un vélo coûte quatre pleins d'essence. C'est la Fédération des usagers de bicyclette qui avance le chiffre moyen pour acquérir un engin neuf : 265 euros. Comme les plus modestes peuvent accéder à des modèles d'occasions dix fois moins onéreux, le vélo tient le haut du pavé comme mode de déplacement démocratique. Le prix de revient par kilomètre parcouru défie également toute concurrence : un cycliste débourse en moyenne 15 centimes d'euros au kilomètre quand l'automobiliste en dépense 25 centimes, selon les calculs de l'économiste Frédéric Héran, auteur d'un livre référence sur le sujet (1). «C'est encore plus vrai, en milieu dense urbain, si on calcule en déplacements et pas en kilomètres car on adapte son mode de déplacement à son mode vie, et vice versa. Dans ce cadre, le vélo coûte encore moins cher que la voiture et même que la marche à pied», précise le professeur. Et Frédéric Héran de rappeler : «Si ce sont plutôt les CSP + qui se remettent au vélo aujourd'hui, la bicyclette se diffuse de plus en plus à l'ensemble de la société.» Le vélo est tout aussi bon pour les comptes publics. «Développer une politique complète de transports en tramway revient à 300 ou 400 euros par an et par habitant. Par comparaison, une politique cyclable complète ne coûte qu'entre 25 euros et 30 euros par habitant», selon Nicolas Mercat, spécialiste des mobilités chez Inddigo, qui conseille les collectivités et entreprises sur le développement durable.
La vitesse sur les chapeaux de roues
Moins d'embouteillages, pas de temps d'attente pour trouver une place où stationner, pas de correspondances dans les transports en commun. Dans les centres urbains, le vélo est le moyen de locomotion le plus rapide. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie estime que sur un trajet inférieur à 5 km, un cycliste roule en moyenne à 15 km/h soit 1 km/h de plus qu'un automobiliste. De son côté, le magazine Terra Eco évaluait que, pour un déplacement entre Pantin (Seine-Saint-Denis) et Paris, un cycliste mettait dix-huit minutes, contre vingt-six minutes pour l'usager de métro… Et pas moins de quarante-neuf minutes pour l'automobiliste. Un comble, lorsque l'on sait que dans la capitale, la moitié de l'espace est consacrée à la voirie automobile… alors même que les déplacements motorisés ne représentent que 13 % des déplacements, selon l'Observatoire des mobilités en Ile-de-France.
L’économie du rayon brille
Un peu plus de 3 millions de vélos (+ 1,3 %) ont été vendus en 2016 en France, selon l'Union Sport & Cycle. Le chiffre d'affaires du marché du cycle a ainsi progressé de 6,4 %, franchissant le cap symbolique du milliard d'euros. Heureuse conséquence, le vélo et les activités qui l'entourent généraient des retombées significatives. «Le taux d'emploi lié au vélo est très élevé : sur un million d'euros investis, huit à dix emplois seront créés. Dans le secteur automobile, ce taux n'est que de trois emplois par million d'euros», explique Nicolas Mercat. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit avant tout d'une économie de service de proximité : réparation, ateliers, animations, etc. Plus indirectement, le vélo a aussi un impact dans la revitalisation des centres-villes, selon de plus en plus de spécialistes. «Si on souhaite utiliser son vélo, on adapte son mode de vie. On choisit de ne pas habiter trop loin de son lieu de travail, on s'efforce de faire ses courses à proximité», explique François Héran.
La sécurité, encore à améliorer
Les chiffres noirs sont tombés en juin : + 22 % de cyclistes tués sur les routes au cours des douze derniers mois, par rapport à 2010. Cette recrudescence d’accidents s’explique par le nombre croissant de personnes qui pratiquent le vélo (dont le vélo électrique) ou par des aménagements cyclables parfois inadaptés et qui contraignent à circuler au beau milieu du trafic. L’agressivité des automobilistes ou le manque de maîtrise de certains cyclistes pourraient aussi justifier en partie cette surmortalité. Selon l’Observatoire de la direction de la voirie et des déplacements de la mairie de Paris, les cyclistes parisiens sont moins exposés avec 640 victimes d’accidents en 2015 contre 3306 pour les deux-roues motorisés alors qu’ils représentent un tiers des déplacements de ces deux types de transports.
En revanche, ils sont beaucoup plus menacés que les automobilistes : sur un million d’heures de pratique, un cycliste a huit fois plus de chances de subir un accident qu’une auto, affirme l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux. Ce chiffre est encore une fois à relativiser, notamment pour les deux roues motorisés, pour lesquels le risque est… 42 fois supérieur. Paradoxalement, selon une étude de l’OCDE de 2013, plus il y a de cyclistes dans un pays, moins nombreux sont les accidents mortels. Chaque utilisateur de la route ayant appris à manœuvrer correctement son véhicule et à vivre ensemble.