Laila, habitante de Saint-Louis à Saint-Martin, raconte très émue le paysage dévasté qui l'entoure, après le passage de l'ouragan Irma :
«C'est la merde, c'est un désastre, on dirait le tiers-monde, je reconnais plus mon île ! Je n'ai pas de nouvelles de mes amis, de mes collègues. J'ai vécu l'ouragan Luis, dans les années 90 mais les maisons en dur avaient tenu. Avant Irma, on a eu un problème d'incivilités en plus. Des gens ont mis des machines à laver et des appareils électro-ménagers dehors dans le chemin. Ce sont devenus des projectiles pour le cyclone. On s'est pris des morceaux de parpaings chez nous, les vitres ont pété, même les stores anticycloniques du voisin ont lâché. Il y a des voiliers dans le cimetière de Marigot ! La tombe de mon père est complètement explosée !»
Lyonel, 36 ans, également habitant de Saint-Louis à Saint-Martin :
«J'ai jamais vu ça, j'ai jamais senti des vents aussi forts de ma vie. Il y a plus rien sur l'île aujourd'hui, c'est comme Haïti en 2010. Au début de l'ouragan, on s'est caché chez nous sous une table, puis on est sorti quand on a pu pour aller chez le voisin en-dessous, qui a une maison en dur. La maison à côté a explosé. Une voisine s'est envolée dans la rue, elle a été projetée contre une voiture. Grand-case [au nord de l'île, ndlr] est ravagé, il n'y a plus rien du tout. Notre île vit du tourisme, il faudra des années pour s'en remettre. Je ne sais pas comment on va faire.»
Patrick, habitant du Mourne-Valois, à Saint-Martin :
«C'est la catastrophe. Pratiquement toutes les maisons ont perdu leurs toits, l'usine de dessalement d'eau de mer est écrasée, des bateaux sont montés très haut sur la terre ferme. Certains endroits de l'île ne sont pas praticables. Pour l'instant, les gens nettoient comme ils peuvent. Mais les dégâts sont immenses. On a l'impression d'être renvoyé 22 ans en arrière, au moment du passage de l'ouragan Luis, mais en fait c'est pire. Pour l'instant, on dénombre huit personnes tuées, mais j'ai peur que ce bilan augmente, car certains se sont laissés surprendre, pensant que leurs maisons résisteraient. Chez moi, il y a deux bâtiments. Un avec un toit de bois et de tôle, et l'autre sur une dalle en dur. Quand les vents ont soufflé le plus fort, on a dû se réfugier dans cette chambre sur la dalle pour survivre. On a passé trois heures, avec ma femme et ma fille, appuyés sur la porte pour qu'elle ne soit pas emportée. On avait mis une planche pour se protéger des projectiles qui risquaient de la traverser. C'est à ça qu'on doit notre survie. Dehors, le vent a tout déchiqueté. J'ai perdu le hifi, le mobilier, les papiers... Les pare-brise des voitures sont explosés, un poteau EDF est tombé sur le véhicule de ma femme. Maintenant, on va essayer de protéger la maison avec des bâches et de trouver des vivres.»
Aurélien, 38 ans, habite à Gustavia, sur l'île de Saint-Barthélemy :
«J’ai pu me confiner chez moi, dans un appartement solide au sous-sol de la villa. On avait dévissé les portes des placards pour renforcer les baies vitrées. Ça a plutôt bien tenu. D’après ce qu’on a entendu, les vents ont soufflé jusqu’à 360 km/h. C’est de plus en plus fort pendant une heure et demi, jusqu’à l’œil du cyclone, qui marque une petite accalmie de trente minutes, puis ça resouffle de nouveau pendant plus d’une heure. Les dégâts chez moi sont assez limités. Mais le toit de la maison du voisin n’a pas tenu. Il a d’abord atterri sur mon parking, puis a rebougé jusqu’à bloquer la rue une cinquantaine de mètres en contrebas. Du coup, on ne peut circuler qu’à pied. Les rues sont encombrées par les arbres et les morceaux d’habitations.
«Mais j’ai envie de tenir un discours plus rassurant que dramatique. A priori, il n’y a pas de victimes humaines à Saint-Barth. L’île n’est pas rasée. Certes, c’est une catastrophe, les dégâts matériels sont très importants. Il n’y a plus de végétation, le paysage est désolant, mais on va reconstruire. Pour l’instant, l’eau et l’électricité sont coupées, mais j’avais pris soin de recharger mes batteries de téléphone et je peux aussi me brancher sur ma voiture, dans laquelle il y a du carburant. Cela fait des années que la population est avertie de la menace des cyclones et qu’elle a l’habitude de se préparer en faisant des stocks d’eau et de nourriture. Cependant, c’est vrai qu’on ne s’attendait pas à un ouragan aussi costaud. Luis, en 1995, avait soufflé très fort, mais là c’était encore plus impressionnant.»
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Claudie, commerçante de 54 ans, habite à Grand Fond, sur l'île de Saint-Barthélemy.
«Il faut rassurer tout le monde, parce qu’on entend tout et n’importe quoi ici. Par exemple que les ouragans Katia et José auraient fusionné et se dirigeraient sur l’île : c’est faux ! De la même façon, il faut dire à nos amis de métropole que ça va. Nous avons subi des dégâts, c’est vrai, mais il n’y a pas de morts. Si les gens ne donnent pas de nouvelles, c’est parce qu’ils n’ont plus de batterie et ne peuvent pas recharger leurs téléphones. Le cyclone est arrivé hier [mercredi] matin. Nous sommes restés dans la maison avec mon mari pendant plusieurs heures à protéger un volet roulant et une baie vitrée en nous appuyant dessus pour l’empêcher de céder. Le vent soufflait très fort, on entendait le bruit des débris sur la toiture, ça grinçait au niveau des portes et des fenêtres. Puis, quand l’œil du cyclone est arrivé, ça s’est calmé, on a pu sortir de chez nous, avant que ça ne resouffle de nouveau. On peut apercevoir les habitations en bord de mer au loin, où les dégâts sont plus importants. Le vent a soulevé les voitures, les vagues ont heurté la terre. Mais nous avons surmonté l’ouragan Luis en 1995, on surmontera Irma. La solidarité va s’organiser.»