On a connu plus conquérant. «Nous acceptons un principe de réalité, on prendra comme un fait ce qui va arriver aux sénatoriales, sans se torturer l'âme», reconnaît Jean-Paul Delevoye, président de la commission d'investiture de La République en marche, alors que les candidats avaient jusqu'à vendredi pour se déclarer en préfecture. Trois mois après avoir raflé la mise aux législatives, le parti présidentiel nourrit des ambitions on ne peut plus raisonnables pour le scrutin du 24 septembre, où la moitié des 348 sièges du Sénat sera remise en jeu pour un mandat de six ans.
Si les macronistes sont entrés à l'Assemblée par la grande porte en juin, ils ne s'attendent cette fois qu'à une progression très timide. En juillet, François Patriat, président du groupe LREM au Sénat, qui compte aujourd'hui 29 membres, a d'abord affiché l'objectif de 60 sénateurs. Avant de miser sur une cinquantaine, «fourchette basse». Désormais, on entend parler d'une dizaine de gains pour LREM, alors que LR devrait conserver le groupe le plus important et, allié au centre, la majorité au Palais du Luxembourg.
Pour justifier à l’avance ce qui risque d’être vu comme un revers, les marcheurs soulignent la spécificité du corps électoral. Les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect par un collège de grands électeurs (dont 95 % de délégués municipaux). Le renouvellement du Sénat procède donc des scrutins des dernières années, qui ont été remportés par la droite.
Mais ce n’est pas le seul élément qui va handicaper LREM. De nombreuses décisions gouvernementales ont de quoi rebuter les élus locaux, comme l’annulation de 300 millions d’euros de crédits aux collectivités en 2017, la réduction du nombre de contrats aidés, la fin de la taxe d’habitation ou la diminution annoncée du nombre d’élus locaux.
Les marcheurs font savoir qu'ils n'ont jamais visé la pole position au Sénat mais envisagent plutôt de bâtir des «majorités de projet» selon les textes. Ils voient ainsi d'un bon œil l'initiative d'élus LR de monter un groupe «Constructifs», et espèrent pouvoir convaincre au coup par coup les autres sénateurs centristes. Ceux du groupe Rassemblement démocratique et social européen sont acquis à LREM, mais les élus de l'Union centriste, dans la majorité sénatoriale avec LR, ne sont pas prêts à manger dans la main de Macron. «Les centristes sont bien avec nous. Pourquoi partiraient-ils ? Larcher [président du Sénat] leur donne ce qu'ils veulent», glisse un sénateur LR. S'il veut rallier les parlementaires à sa réforme institutionnelle, Macron va devoir se retrousser les manches d'ici l'été 2018.