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Libération
Éditorial

Jeu dangereux

publié le 10 septembre 2017 à 20h26

Dans un pays qui sort tout juste d'une campagne électorale clivante et brutale, on ne gouverne pas en injuriant une partie de la population. Emmanuel Macron a été élu parce qu'il incarnait l'espoir d'une autre façon de faire de la politique, moins excluante. Et voilà qu'il se comporte comme un maître d'école sous la IIIe République, distribuant coups de règle et coups de trique à chaque cours magistral. En fustigeant vendredi à Athènes les «fainéants», le chef de l'Etat savait parfaitement ce qu'il faisait (même s'il ne l'a pas assumé, son entourage s'évertuant à expliquer que chacun était libre de voir dans ce «fainéant» la personne de son choix). Deux semaines de tension sociale s'ouvrent ce lundi en France avec les manifestations des 12 et 21 septembre à l'appel de la CGT et de Solidaires, et celle du 23 septembre organisée par La France insoumise contre la réforme du code du travail. S'il cherchait à faire descendre un maximum de Français dans la rue, Emmanuel Macron ne s'y serait pas pris autrement. Peut-être considère-t-il les forces syndicales comme trop amorphes par rapport aux insoumis ? A moins qu'il ne se régale de voir Jean-Luc Mélenchon devenir le premier opposant du pays ? Extrêmement clivant, le leader de La France insoumise a en effet peu de chances de rallier un jour à lui la gauche séduite par Emmanuel Macron et a fortiori la droite. Ce jeu est dangereux. On a vu avec la menace Le Pen à quel point la colère pouvait nourrir le populisme et l'extrême droite. Le FN s'est finalement effondré en raison de l'incompétence de sa cheffe. Mais demain, qu'en sera-t-il ?

Accessoirement, les imprécations du président de la République ont occulté par leur brutalité l’engagement qu’il manifeste pour reconstruire l’Europe. C’est dommage : de cet enthousiasme-là, pour le coup, on a vraiment besoin.