Dans les têtes gouvernementales, l’affaire est pliée. Votées en début d’été, les ordonnances s’appliqueront dès leur promulgation, à la fin septembre, c’est-à-dire deux jours après la deuxième manifestation anti-loi travail, celle qu’a convoquée Jean-Luc Mélenchon. Deux jours pour se retourner : c’est court pour un mouvement social. Les discussions estivales ont donné le sentiment d’une concertation approfondie, même si le projet final tient peu compte des objections de plusieurs syndicats. La CFDT se tient à l’écart de la protestation, FO a refusé de combattre, la CGT et La France insoumise n’ont pu trouver d’accord pour agir en commun. Le gouvernement peut enfin rappeler qu’En marche a annoncé maintes fois la couleur pendant la campagne électorale et que ses intentions libérales ont été ratifiées solennellement par le suffrage universel. A ce stade, on imagine difficilement qu’Edouard Philippe et Muriel Pénicaud puissent rouvrir la négociation ou, a fortiori, abandonner le projet. Du coup, le président de la République peut afficher sans trop de risques sa détermination totale. Sur le papier, toutes les précautions ont été prises pour désamorcer le mouvement social appelé de leurs vœux par la CGT, Solidaires et quelques autres. Mais en matière sociale, plus que dans les autres domaines, la prévision est un art difficile, surtout lorsqu’elle concerne l’avenir… Il arrive que les magasins de poudre les mieux protégés sautent néanmoins et que les protestations les moins annoncées fassent soudain tache d’huile. Cette fois avec une très bonne raison à la clé : la réforme en cours du code du travail est la plus ambitieuse - ou la plus dangereuse - qu’on ait entreprise depuis des lustres. L’opinion peut se cabrer. On dira que c’est pour refuser les réformes. Mais c’est peut-être aussi pour récuser des sacrifices dont la nécessité lui échappe.
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