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Réacs

A l’université d’été de la Manif pour tous, cadre chic mais chiches troupes

En baisse de régime après la défaite de François Fillon à la présidentielle, le mouvement catho réactionnaire mise sur la PMA pour toutes afin de se relancer et remobiliser ses troupes.
L’université d’été de la Manif pour tous, dimanche, à Etiolles (Essonne).  (Photo Laurent Troude pour Libération)
publié le 17 septembre 2017 à 20h46

La Manif pour tous au country club. Pour sa cinquième université d'été, LMPT s'est choisi, ce week-end, un cadre chic et champêtre : le golf et country club d'Etiolles (Essonne). C'est raccord avec la génération (et le standing, sans doute) des militants qui y assistent. Une grosse majorité a largement dépassé la cinquantaine. Où sont les jeunes ? Presque exclusivement à l'organisation… «Non, il n'y a pas de traversée du désert de la Manif pour tous, s'insurge Héloïse Pamart, la chargée de com. Nous existons depuis cinq ans, en vivant de dons. Alors…» Elle annonce fièrement 400 participants. Sous le chapiteau, tout compte fait, on en dénombre seulement la moitié. A une ou deux exceptions près, les orateurs (la plupart issus des rangs de LMPT) ne brillent guère.

Malgré ses dénégations, la Manif pour tous a singulièrement rétréci. La déroute électorale de Fillon a été une douche froide. Certains des proches de LMPT étaient promis à des avenirs radieux dans les allées du pouvoir. «C'est sûr, il y a eu un moment de doute parmi nos militants, reconnaît Albéric Dumont, le vice-président du mouvement. Pour nous, cela signifiait repartir pour cinq ans d'opposition.»

En juin, Ludovine de la Rochère, la présidente, et lui ont sillonné la France, portant la bonne parole dans une quinzaine de villes, décryptant la séquence électorale. Pour regonfler le moral des troupes. Albéric Dumont veut croire que le coup de blues est passé. Sur le terrain, ce n'est pas tout à fait le même son de cloche. Parmi ceux qui ont défilé en 2012 et 2013, il y a toujours une sensation de gueule de bois. «Je perçois une sorte de doute, raconte un éditeur de livres catholique. Les anciens militants ont conscience d'une déconnection d'avec la société et s'interrogent sur la manière de s'adresser à elle.»

Extrême droite

Les élections de 2017 ont mis au jour les limites de l'influence de LMPT. Entre les deux tours de la présidentielle, elle a tombé le masque en lançant un «tout sauf Macron», ouvrant sans complexe la voie à un vote pour l'extrême droite. A Etiolles, personne ne s'en offusque. «Les gens votent pour qui ils veulent. Notre combat, c'est celui de la famille», tranche, sans embarras, Marina, militante historique de Montpellier. Quoi qu'il en soit, ces consignes de vote n'ont majoritairement pas été suivies. Dans des bastions de la Manif pour tous comme Versailles, Emmanuel Macron a réalisé un très bon score, atteignant 76 % des suffrages. Lobby bien rodé, doté d'une efficace communication, LMPT n'a pas réussi à élargir son périmètre d'action à la sphère politique, s'aliénant par sa radicalité des franges modérées (notamment parmi les catholiques) qui l'avaient rejointe au début de son opposition au Mariage pour tous. Des troupes qui pourraient lui manquer dans des combats à venir.

A Etiolles, Emmanuel Macron est toujours l'ennemi. Des relais régionaux de LMPT disent qu'il y a déjà un frémissement dans la mobilisation. Impossible à vérifier. «Il n'y a pas même de ministère dédié à la famille dans son gouvernement», s'insurge une militante. «C'est un libéral», répète à l'envi Ludovine de la Rochère. Elle le trouve «ambigu» sur la GPA malgré son engagement répété de ne pas la légaliser. Se lançant dans une longue explication de texte, la présidente de LMPT soutient mordicus que Macron n'est pas opposé «par principe» à la gestation pour autrui mais seulement à la «GPA commerciale». Parmi les militants présents à l'université d'été, la volonté de régulariser la situation juridique des enfants nés de GPA à l'étranger, autre engagement du candidat Macron, est «une reconnaissance implicite» de la légalité de la pratique.

«Sans père»

Obstinément, le noyau dur de la Manif pour tous fourbit ses armes. Et se frotte (discrètement) les mains après les déclarations de la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, annonçant l'autorisation de la PMA à l'horizon de 2018 pour les couples de lesbiennes et les femmes seules. Dans le département du Nord, Olivier a activé son réseau local. «J'ai envoyé des dizaines de mails, raconte-t-il. Les retours que j'ai sont très encourageants.»

Au déjeuner, Albéric Dumont pointe que le gouvernement a déjà rétropédalé, lit les déclarations qu'a faites le matin même le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb. Mais peu importe. La présidente de LMPT se dit capable («si besoin était») de remettre des centaines de milliers de gens dans la rue. A contrario de ce que montrent les sondages, «la société est très divisée, dit-elle, sur la question de la PMA sans père». Mais les troupes ne semblent pas aussi déterminées qu'on le clame à Etiolles. Karine, la quarantaine, avoue :«Je ne me vois pas redescendre dans la rue avec les mêmes petits drapeaux et tout le reste.» D'ici la révision des lois bioéthiques en 2018, LMPT a encore le temps de se refaire une santé…