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Libération

Jeunes : pourquoi tant de solitude ?

publié le 19 septembre 2017 à 20h56

Dépourvus d'amis, éloignés de leur famille, voire sans emploi. En France, en 2017, environ 700 000 jeunes de 15 à 30 ans, soit 6 % de la tranche d'âge, seraient dans une situation d'isolement social. Et 1,4 million d'entre eux seraient en «vulnérabilité sociale». Ces chiffres, dévoilés dans une étude parue vendredi - et pilotée par la Fondation de France et le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) -, constituent un électrochoc alors que le phénomène est plus communément observé chez les personnes âgées.

Pourquoi tant de solitudes ? «Nous sommes passés d'un modèle cadré, dans lequel les individus étaient enfermés et protégés au sein d'un groupe, à un modèle fondé sur l'autonomie individuelle», explique le sociologue Jean-Claude Kaufmann.

Pour faire face à cette nouvelle donne, un jeune doit pouvoir compter sur des compétences relationnelles. S'il est trop introverti, il ne se créera pas de réseau et se retrouvera isolé. «Dans cette étude, les jeunes témoignent de leur sentiment d'impuissance face à cette situation, analyse le Dr Marion Robin, psychiatre et auteure d' Ado désemparé cherche société vivante (Odile Jacob). Ils ont l'impression que, quoi qu'ils fassent, leurs actions restent invisibles et inutiles.»

Certains baissent les bras et développent des stratégies d'évitement, au risque de se replier encore plus sur soi. «Essayer de composer avec sa solitude en se consacrant à une passion ne peut constituer qu'une façade, explique Jean-Claude Kaufmann. Le Dr Robin confirme : «Cette protection ne fonctionne que très transitoirement : le besoin d'une relation à l'autre reste là, et la peur peut même augmenter avec le repli.»

Départ du domicile parental, célibat, ou encore complexes physiques… Un jeune peut tomber facilement dans un engrenage du fait de l’accumulation de facteurs négatifs. Si certains parviennent à se contenter de ce peu de relations sociales, d’autres en viennent à s’autodévaluer. Le plus souvent, cet isolement est renforcé par la précarité. Un jeune avec un appartement trop petit ou qui n’a pas les moyens de se déplacer sera davantage sujet à la solitude.

Pour en sortir, des solutions existent, rappellent les médecins : outre la prise en charge médicale pour les cas les plus aigus, des associations proposent des activités sportives et artistiques, du soutien scolaire… Elles permettent de gagner en sociabilité. «Il n’y a pas de recette miracle, chaque jour doit être l’occasion de microcombats», rappelle Jean-Claude Kaufmann.