«Qui sème la misère ? C'est votre loi travail», scandent des manifestants parisiens lors du défilé, jeudi, qui a rassemblé 16 000 personnes, contre 24 000 le 12 septembre. Dans la capitale, le parcours était, cette fois-ci, inaccoutumé. Pour la deuxième journée de mobilisation contre les ordonnances Pénicaud, à l'appel de la CGT, la FSU et Solidaires, le cortège s'est élancé du boulevard du Montparnasse (VIe arrondissement). A quelques dizaines de mètres de la Rotonde, la brasserie où Emmanuel Macron a célébré sa qualification au second tour de la présidentielle. Comme un symbole. «On a sorti les sifflets en passant devant», s'amuse un militant CGT, qui assure apprécier cet itinéraire «inhabituel» pour une manifestation soutenue par la gauche. «Ici au moins, on n'est pas en terrain conquis. On est chez eux», poursuit-il. Eux : les membres de l'exécutif à l'origine des ordonnances.
Loin de la convergence des luttes
Au départ du défilé, Philippe Martinez, de la CGT, prévient : «Les ordonnances ne font pas la loi. Tant qu' [elle] n'est pas votée, il y a des possibilités d'agir.» Et annonce «d'autres mobilisations à venir sur les ordonnances, mais aussi sur d'autres sujets». Mais dans la foule lancée jusqu'à la place d'Italie (XIIIe arrondissement), la convergence des luttes à laquelle aspirent les syndicats protestataires ne semble pas tout à fait à l'ordre du jour. La plupart des manifestants défilent contre les ordonnances réformant le code du travail, certains contre la suppression des emplois aidés.
Pour une salariée syndiquée à FO – qui n'a pas appelé à manifester –, «il y a des chances que Jean-Claude Mailly [le secrétaire général de l'organisation syndicale, ndlr] soit obligé de se raviser. […] On est plus nombreux que la dernière fois», assure-t-elle. «Je pense que ça monte en puissance», s'enthousiasme un autre. Comme lors de la première journée de mobilisation, la CFDT, elle non plus, n'a pas appelé à manifester. Pourtant, «on s'invite», défend un militant.
«C'est une honte»
Dans le chic VIe arrondissement parisien, les drapeaux de Lutte ouvrière et du PCF mêlés aux banderoles des syndicats détonnent. Comme l'Internationale entonnée dans les rangs des Jeunes communistes. «Ces ordonnances, c'est quelque chose de terrible, s'indigne une manifestante du syndicat Sud Santé AP-HP. Mon salaire, c'est 1 600 euros depuis presque trente-cinq ans. On ne remplace pas les départs à la retraite, le patient est en dehors de tout. Pour un pays comme la France, c'est une honte.» «Moi je veux résister parce qu'ils veulent tout casser petit à petit ! s'offusque une militante de la FSU. D'un point de vue démocratique, Macron se comporte comme s'il n'avait pas de députés, il se prend pour un roi.» Comme une réponse au président de la République qui, la veille depuis New York, avait déclaré : «La démocratie ne se fait pas dans la rue.»
«Qu'est-ce que c'est que cette fable qui consiste à dire que quand on élit un président de la République, il a les pleins pouvoirs pendant cinq ans ?» s'est agacé Pierre Laurent, responsable du PCF, à l'orée de la manifestation. Les ordonnances doivent être adoptées en Conseil des ministres ce vendredi, au lendemain du défilé, avant d'être publiées dans la foulée au Journal officiel. «La suite logique, c'est la guerre», assène un opposant de Solidaires.