Emmanuel Macron a signé vendredi les ordonnances réformant en profondeur le droit du travail. Il y avait été habilité par la loi votée à une écrasante majorité au Parlement. Le patronat applaudit. Les syndicats marchent un peu dans la rue ou pleurent. Des manifestants indignés défilent de la Bastille à la République et Jean-Luc Mélenchon fait un discours enflammé. Il était sans doute bien difficile d'aller en même temps à droite et à gauche : le Président a commencé par la droite. Ce lundi, l'Assemblée nationale va débattre pour voter une loi «renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme» destinée à mettre fin à l'état d'urgence, cette législation d'exception dont les prolongations récurrentes étaient dénoncées par toute une partie de la gauche et toutes les associations de défense des droits et des libertés. Serait-ce donc le pas à gauche censé illustrer le «en même temps» cher au Président ? Las ! La Commission nationale des droits de l'homme (CNCDH) estime que le projet est «une dangereuse banalisation des mesures de l'état d'urgence qui auraient dû rester exceptionnelles et provisoires» ; le Défenseur des droits, Jacques Toubon, déclare que cette loi nouvelle sera «une pilule empoisonnée pour la cohésion nationale» ; les ONG réunies dans le réseau «état d'urgence-antiterrorisme» dénoncent les nombreuses dispositions attentatoires aux libertés et droits fondamentaux. En fait, on n'a pas mis fin à l'état d'urgence : on l'a intégré dans le droit commun. C'est un pas à droite et non à gauche. Le projet va être voté à une écrasante majorité par les 313 députés de La République en marche, ce nouveau marais, qui marche effectivement, mais comme un seul homme derrière le Président. Et comme pour les ordonnances, la droite s'alignera… On marche, donc, mais à droite.
Certains diront qu'il faut juguler le terrorisme… Certes. Mais ces mesures ne servent plus à rien, comme l'a constaté la commission des lois en février. Elles visent à réduire les peurs en gesticulant, en visant non les terroristes, qui sont passibles de la loi pénale, mais ceux dont, selon le texte nouveau, «on a des raisons de penser» qu'ils pourraient l'être. Comment les reconnaître ? De toute façon, ils ont tous la même tête et la même religion… C'est la loi des suspects (1) ! Dans une telle circonstance, il va bien falloir que la gauche se remette à marcher. Et pas seulement dans la rue.
(1) Référence au décret du 17 septembre 1793 voté durant la Terreur ordonnant l’arrestation des ennemis avoués ou susceptibles de l’être de la Révolution.