Mauvaise nouvelle. Après ces élections allemandes, Emmanuel Macron avait rêvé d’un horizon dégagé, propice à toutes les audaces réformatrices. Fidèle à sa réputation de sérieux et de stabilité, la République fédérale devait se donner, dimanche, une majorité résolument européenne. Avec l’inoxydable et bienveillante Angela Merkel, réélue pour quatre ans, le président français se préparait à négocier un agenda ambitieux pour l’Europe.
Les électeurs allemands en ont décidé autrement. Alors que la chancelière, fragilisée, s'engage dans la laborieuse négociation d'un contrat de coalition avec des partis qui divergent fortement sur les questions européennes, c'est en plein brouillard politique que le chef de l'Etat doit prononcer ce mardi le grand discours censé guider l'UE sur le chemin de sa «refondation». Son premier discours sur l'Europe, le candidat Macron l'avait prononcé en janvier à la Humboldt Universität de Berlin. Ce mardi, il a prévu de s'exprimer devant des étudiants français et étrangers, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne où débattirent, en septembre 1992, François Mitterrand et l'eurosceptique Philippe Séguin. Vingt-cinq ans plus tard, les craintes de ce dernier, qui dénonçait un «fédéralisme fondamentalement antidémocratique» accusé de creuser la tombe de la «souveraineté nationale» n'ont, c'est le moins qu'on puisse dire, pas été levées.
Précision. C'est précisément autour de ces deux thèmes - souveraineté et démocratie - qu'Emmanuel Macron devrait articuler son intervention. Après le discours prononcé sur la Pnyx d'Athènes afin de «marquer symboliquement» l'ambition de refondation, il s'agit cette fois de présenter des «mesures emblématiques» et «concrètes» pour lancer le débat. Il sera bien sûr question de la zone euro et de sa gouvernance, qui doit être «renforcée». Macron a déjà rappelé qu'il était favorable à un ministre et un budget spécifiques pour les dix-neuf pays concernés.
L'Elysée tient cependant à souligner que cela ne sera pas «le cœur» du message présidentiel. Utile précision. Car sur ces sujets sensibles outre-Rhin, Macron prend le risque d'en braquer plus d'un, à commencer par le chef des libéraux (FDP), Christian Lindner. Dimanche soir, sur le plateau de la chaîne ZDF, il a prévenu : pas question d'accepter un budget de la zone euro où l'argent allemand «atterrirait en France pour les dépenses publiques ou en Italie pour réparer les erreurs de Berlusconi». Au moment où son gouvernement s'apprête à présenter son budget, le président français ne manquera pas de faire valoir, preuves à l'appui, qu'il est précisément occupé à limiter la dépense publique.
«Formats». A l'Elysée, on se garde bien, officiellement, de commenter le résultat du scrutin allemand et ses conséquences potentiellement embarrassantes. Il y a en effet de bonnes chances pour que les propositions formulées ce mardi par Macron recueillent d'abord l'approbation du SPD, qui devrait entrer dans l'opposition. Parmi ces propositions, il y aura la création d'une Agence européenne de l'innovation, la taxation des géants américains du numérique et la coopération contre le terrorisme. Partisans d'une «Europe à plusieurs formats», il proposera d'organiser des débats citoyens en 2018, dans tous les pays qui le souhaiteront. L'objectif étant d'élaborer la feuille de route qui serait soumise aux électeurs lors des européennes de 2019.
Dans l’entourage du chef de l’Etat, on ne veut pas croire à un virage eurosceptique du FDP. Ex-ambassadeur de France à Berlin, le conseiller diplomatique de Macron, Philippe Etienne, a noté que le parti de Lindner avait pris soin de réaffirmer, lors de son récent congrès, sa vocation européenne, longtemps portée par l’ex-ministre des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher. C’était, là encore, il y a vingt-cinq ans.