La France dira-t-elle stop ou encore au glyphosate ? L'affaire provoque en tout cas une belle cacophonie au sein du gouvernement, tant les enjeux économiques et sanitaires sont colossaux. Le vote sur le renouvellement pour dix ans dans l'Union européenne de la commercialisation de ce pesticide, le plus utilisé au monde et classé en 2015 «cancérogène probable» par le Centre international de recherche sur le cancer, doit normalement avoir lieu les 5 et 6 octobre.
Fin août, le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, avait été clair : comme elle l’avait fait sous la présidence Hollande, la France s’opposera au renouvellement. De quoi susciter l’ire de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).
Coïncidence
La pression s'est intensifiée depuis une quinzaine de jours, avec notamment l'action choc de vendredi, où des troupes de la FNSEA ont bloqué l'accès aux Champs-Elysées. Coïncidence ou non, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, défenseur lui aussi une ligne très «agro-industrielle», en a remis une couche le même jour en suggérant sur RTL que la France propose de prolonger de «cinq à sept ans» l'autorisation de l'usage du désherbant dans l'UE. Matignon semble avoir tranché en sa faveur. Car le communiqué publié lundi par le Premier ministre, Edouard Philippe, ressemble bel et bien à une reculade. Celui-ci rappelle certes l'opposition de la France à la proposition de la Commission de réautoriser le glyphosate pour dix ans. Mais la formulation choisie est ambiguë : «C'est une durée trop longue compte tenu des incertitudes qui subsistent sur ce produit et la France votera contre cette proposition, comme elle l'a clairement indiqué dès le mois de juillet.» Autrement dit, dix ans, c'est trop long, mais on ne ferme pas clairement la porte à une réautorisation pour une durée plus courte, par exemple, de cinq à sept ans…
La suite du communiqué est à l'avenant : on y apprend que le Premier ministre a demandé aux ministères de l'Agriculture et de la Transition écologique de lui présenter «les conditions d'un plan de sortie» du glyphosate pour l'usage agricole «avant la fin de l'année et en fonction des conclusions des états généraux de l'alimentation», lesquels sont accusés de faire la part belle à l'agro-industrie. Ou comment noyer le poisson en renvoyant dos à dos des ministères aux positions antagonistes et en laissant entendre que la position officielle de la France ne sera pas fixée avant la remise de ce rapport, donc pas avant le vote d'octobre à Bruxelles, qui requiert une majorité qualifiée des Etats.
Balance
Signe de l'embrouillamini qui règne au gouvernement, son porte-parole, Christophe Castaner, a dû rétropédaler lundi. Il a d'abord affirmé sur BFM TV et RMC que le glyphosate serait interdit en France «d'ici la fin du quinquennat». Avant d'indiquer à l'AFP que le gouvernement «s'engageait à des progrès significatifs» d'ici 2022 pour tous les pesticides, dont le glyphosate, mais en précisant qu'il «n'y a pas d'autre date arrêtée».
Nicolas Hulot, très isolé au sein du gouvernement, mettra-t-il sa démission dans la balance ? Face à la menace de blocage du pays par la FNSEA, ce serait son arme ultime. En attendant, si le flou persiste d’ici au vote prévu à Bruxelles, celui-ci risque d’être reporté une énième fois pour tenter d’aboutir, enfin, à un vote.