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Libération
Défiance

Mouvement de protestation au sein de la police d'Estrosi

Choyée par son maire, la police municipale niçoise, exprime son mal-être dans un tract anonyme qui circule en ville et sur les réseaux sociaux. Les agents dénoncent l'obligation qui leur est faite de travailler un demi-samedi supplémentaire toutes les six semaines.
Christian Estrosi, le 4 avril, à Nice. (Photo Yann Coatsaliou. AFP)
publié le 25 septembre 2017 à 17h55
(mis à jour le 25 septembre 2017 à 20h17)

C'est un message «envoyé comme une bouteille à la mer». Rédigé par des policiers municipaux niçois qui se sentent submergés, le tract anonyme dénonce une dégradation de leurs conditions de travail, «l'exploitation [des] agents» ainsi que «le passage en force des plannings». Des revendications accompagnées d'une photo en noir et blanc, celle d'agents portant un cercueil recouvert du drapeau tricolore.

Un mouvement de défiance né au sein de la «première police municipale de France» pourtant chérie par son maire, Christian Estrosi, à grand renfort d'effectifs (685 agents) et de vidéosurveillance (une caméra pour 280 habitants). «C'est la première fois depuis la création de la police municipale, dans les années 60, qu'il y a une telle opposition, affirme la secrétaire générale FO des agents territoriaux de la ville, Elodie Roux. Un rapport de force est né. Cette crispation a brisé le lien entre les agents et leur direction.» C'est que, depuis le 1er septembre, la semaine des agents est calée sur un nouveau planning imposé par le haut.

«Nouveau monde»

Désormais, en échange d'une hausse de salaire de 70 euros par mois, les agents travailleront un week-end sur deux (ce qui était déjà le cas) et un demi-samedi toutes les six semaines. «Le 14 juillet [2016] a eu une incidence sur les forces de police. On est passé dans un nouveau monde au niveau de la crainte d'un attentat et de la réalité du terrain, explique Thierry Aubel, directeur général adjoint à la sécurité. On a pris en compte cette nouvelle menace de façon technique et organisationnelle : cela passe par la volonté de positionner le plus possible d'agents sur le terrain.»

Les policiers niçois ont bien tenté de préserver leur temps libre avec des réunions, des grèves et des manifestations en janvier qui ont rassemblé 107 agents, mais en vain. Le flyer distribué anonymement depuis début septembre est leur dernière arme. «Ce tract est un résumé caricatural. Il n'est pas représentatif de l'ensemble des agents. Etre policier municipal, c'est une mission particulière. La protection ne se fait pas du lundi 8 heures au vendredi 17 heures. Elle se fait sept jours sur sept, 24 heures sur 24. C'est un équilibre à trouver pour avoir le maximum de gens sur le terrain», pointe Thierry Aubel, qui se dit ouvert au dialogue.

Pourtant, Jérôme (1) ne s'estime pas entendu. Depuis vingt ans, ce policier municipal patrouille de la promenade des Anglais au quartier de l'Ariane. Avec la réorganisation du temps de travail, il affirme n'avoir plus qu'un seul week-end complet de repos tous les deux mois. «Nous n'arrivons pas à nous ressourcer, dit-il. Et ça a un impact sur notre métier : le temps passé en famille nous permet d'être sereins et attentifs lorsque nous assurons la protection.» Jérôme s'inquiète aussi pour sa sécurité, les patrouilles étant assurées par groupe de seulement deux fonctionnaires. «Il y a eu un attentat à Nice, on reste une cible des terroristes. Parfois, c'est très dur psychologiquement parce qu'on aime notre travail et qu'on a à cœur de le faire correctement. Mais dans ces conditions, ce n'est plus possible d'assurer la sécurité avec attention», explique-t-il. «La doctrine de la police nationale n'est pas la même que celle de la police municipale, tient à préciser le directeur général adjoint à la sécurité. Il n'y a pas d'obligation à patrouiller à deux ou à trois. Les agents doivent appliquer les arrêtés du maire et non effectuer la même mission de sécurité que la police nationale.»

Aux contestations de ses policiers municipaux, la ville de Nice répond par un soutien logistique de plus en plus poussé. Début 2018, ils seront équipés de pistolets semi-automatiques 9mm et les véhicules seront entièrement révisés. La commune a aussi lancé une procédure pour engager cent agents supplémentaires. Des recrutements qui ne compenseront pas la charge de travail supplémentaire des agents, appelés à être sur le terrain deux week-ends sur trois.

(1) Le prénom a été modifié.