Menu
Libération

Du libéralisme, sauf pour les collectivités

par Boris Lebeau, Maître de conférences, Université Paris-13, Sorbonne Paris-Cité Laboratoire Pléiade (EA
publié le 27 septembre 2017 à 20h36

Après la baisse des dotations budgétaires en 2017 (300 millions d’euros), la suppression programmée de 80 % de la taxe d’habitation, le budget prévisionnel 2018 présenté mercredi prévoit une réduction de 13 milliards d’euros des dépenses de fonctionnement des collectivités locales d’ici à 2022, soit une réduction de 3,2 milliards par an (dix fois plus que l’effort demandé en 2017). A la veille du déplacement du Premier ministre, Edouard Philippe, à l’assemblée des élus régionaux réunis à Orléans sur le thème «Oser l’expérimentation régionale», attardons-nous sur les significations territoriales et sociétales de ces orientations.

Les collectivités territoriales qui représentent environ 20 % des dépenses de l’Etat, qui comptent 580 000 élus répartis dans un «millefeuille» administratif peu efficace, sont perçues en ces temps d’économies budgétaires comme un archaïsme coûteux qu’il conviendrait de réformer. Soit ! Mais la volonté de réduire les dépenses des collectivités au nom de l’orthodoxie budgétaire passe souvent sous silence les aspects récessifs de cette cure d’austérité (baisse de la commande publique qui pèse 10 % du PIB, hausse du chômage).

Sur le plan des idées ensuite, il est aisé de concevoir que derrière le financement d’un groupe scolaire, d’une politique culturelle… derrière l’implication de milliers de personnes dans la vie locale, il est question de tout un ensemble de choses difficiles à quantifier, et qui participent au lien social. Quels que soient les besoins réels ou supposés de rationalisation de l’administration territoriale, ces orientations sont aussi un signe d’effacement du politique face au marché.

Dans ce contexte, les discours incantatoires en faveur de la libre administration et de l’innovation territoriale servent une rhétorique libérale (au sens politique du terme) qui cache difficilement un encadrement accru de l’action des collectivités. En effet, la substitution de la taxe d’habitation par une dotation d’Etat signe un recul de l’autonomie fiscale des collectivités. Par ailleurs, les velléités d’assortir les allocations de l’Etat à une nouvelle forme de contractualisation (dont les contours restent à préciser) s’apparentent à un renforcement des tutelles.

Autrement dit, les collectivités locales vont probablement faire l’amer et paradoxale expérience d’une restriction de leurs libertés au nom d’un certain libéralisme. Plus généralement, les restrictions budgétaires aux collectivités territoriales nous invitent à méditer les relations qui existent entre marché et liberté.