«Un coup de massue.» C'est ainsi que les dirigeants des HLM, réunis en congrès à Strasbourg, qualifient le projet de loi de finances 2018 qui prévoit 15 milliards d'euros d'économies : à eux seuls, les HLM devront en réaliser 1,7 milliard (plus de 11 % du total). Le mécanisme est connu. Les 2,2 millions de locataires du parc social vont voir leur APL réduite de 50 à 60 euros par mois en moyenne, qui devra être compensée par une baisse équivalente de leur loyer par les organismes de HLM. Les recettes des bailleurs sociaux vont en prendre un coup. Et ce n'est pas fini : dans les documents remis à la presse mercredi à Bercy, il est prévu une économie supplémentaire sur l'APL de 1,5 milliard en 2019, qui va toucher aussi les accédants à la propriété. Ce qui fera, au total, 3,2 milliards d'APL en moins par an. Les sommes en jeux sont si énormes, l'impact financier sur les organismes si important, que chez les bailleurs sociaux, certains considèrent désormais que les économies budgétaires sont un pretexte «pour faire la peau» aux HLM.
«Outil». «C'est une volonté clairement affichée de détruire le modèle économique du logement social. Notre pronostic vital est engagé», commentait mercredi Alain Cacheux, président de la fédération des Offices publics de l'habitat, qui regroupe les 254 organismes départementaux, intercommunaux et municipaux de HLM. «On est en train de casser l'outil indispensable à la mise en œuvre des politiques du logement et de la ville dans les territoires», considère la directrice générale de l'office HLM de la communauté urbaine de Poitiers, Stéphanie Bonnet. Son organisme compte 11 200 logements. «Notre loyer moyen est de 350 euros et 56 % de nos locataires touchent l'APL.» Il lui faudra donc baisser les loyers de 6 272 logements. «Le manque à gagner sera de 4 millions . Ce qui correspond exactement au montant de notre autofinancement. Ce qui veut dire que nous n'aurons plus de fonds propres pour construire, réhabiliter, entretenir.» A l'office HLM d'Amiens Métropole (14 000 logements, 59 % de locataires touchant l'APL), le directeur général David Quint a lui aussi fait ses calculs : la baisse des recettes sera de 4,5 millions par an sur 55 millions de loyers encaissés. Son «plan d'investissement pour les prochaines années est remis en cause».
«Yachts». Pour les HLM, le coup de massue vient de Bercy et sa haute administration, «des ultralibéraux», «des dogmatiques» hostiles à tout ce qui «n'est pas économie de marché». «Les mêmes ont décidé de sortir yachts et jets privés de l'ISF. Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est pour relancer l'emploi, éructe le patron d'un grand organisme. D'habitude, les ministres s'opposent aux excès de Bercy. Là, ils ont laissé faire.» Le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, son secrétaire d'Etat, Julien Denormandie, n'ont «pas fait le job», en rappelant que les HLM «contribuent à la cohésion sociale», en logeant par exemple dans les zones tendues les petits salariés, les familles aux revenus moyens, les retraités qui ne trouveraient pas de loyers à leur portée dans le privé. Venu prononcer mardi un discours au congrès de l'USH (Union sociale de l'habitat, qui fédère tous les HLM), Mézard a été chahuté. «Ce qui nous arrive est injuste, affirme Alain Cacheux. Aucun effort n'est demandé au secteur privé, principal responsable de la hausse des loyers. Et les organismes HLM les plus pénalisés sont ceux qui ont eu la politique d'attribution la plus généreuse : plus ils logent de locataires pauvres touchant l'APL et plus ils devront baisser leurs loyers.» La venue de Julien Denormandie ce jeudi à Strasbourg, pour prononcer l'habituel discours de clôture du congrès de l'USH, s'annonce compliquée.