«Lock him up ?» Depuis ce week-end, les soutiens d'Hillary Clinton rappellent à Trump le slogan haineux qu'il faisait crier à ses partisans il y a un an. Sa cible d'alors : une certaine Hilary Clinton, que les pro-Trump voulaient donc mettre derrière les barreaux (lock) pour avoir utilisé sa messagerie privée à des fins professionnelles. Sauf qu'aujourd'hui, la même chose est reprochée au gendre et haut conseiller du président, Jared Kushner. Ses avocats l'ont reconnu dimanche : il a utilisé sa messagerie personnelle pour communiquer avec d'autres responsables de l'exécutif, alors qu'il aurait dû se servir de la messagerie sécurisée de la Maison Blanche.
Qu’est ce qu’on leur reproche ?
A Hillary Clinton, comme au gendre Trump, on reproche d'avoir utilisé leur boîte mail personnelle pour des activités liées à leur fonction. Or, aux Etats-Unis, le Federal Records Act impose aux élus et aux membres de l'administration de garder des copies de leurs mails pour qu'ils soient archivés. Il est, en outre, interdit de communiquer des informations sensibles, classifiées, en dehors du réseau sécurisé mis à disposition. C'est ce qui était reproché à la candidate démocrate, même si les informations communiquées via son mail personnel ont été classifiées a posteriori.
En France, que dit la loi ?
Sur l'archivage, c'est flou. A la mission des archives, on nous explique que «théoriquement» les courriels qui transitent au sein de l'exécutif doivent être versés aux archives – tant qu'ils ont trait aux fonctions de leurs auteurs, évidemment. «Mais personne n'est là avec une bannette derrière leur bureau pour vérifier.»
Sur la sécurisation des correspondances, c'est un peu plus clair, mais on est loin du cadre réglementaire en vigueur aux Etats-Unis. En 2013, une circulaire du cabinet du Premier ministre d'alors, Jean-Marc Ayrault, envoyée dans tous les ministères, rappelait qu'«il convient de ne pas utiliser des messageries personnelles fournies par des tiers». «L'usage d'équipements informatiques personnels est à proscrire pour manipuler des données sensibles», pouvait-on encore lire. Mais la note parlait alors de «recommandations» et non d'obligations. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), qui chapeaute la sécurisation des systèmes d'information de l'administration et des ministères, expliquait, la même année, que «pour les sujets sensibles, les membres du gouvernement et leurs troupes doivent utiliser des systèmes dédiés : l'intranet Isis, pour les messages électroniques.» Pourtant, l'agence est incapable de nous indiquer s'il s'agit d'une obligation. On est donc loin du modèle américain et des poursuites que se risquent ceux qui se hasarderaient à utiliser leur boîte mail personnelle.
L’exemple du téléphone
Ces dernières années, plusieurs responsables politiques, dont des présidents, ont d'ailleurs montré que les recommandations concernant la cybersécurité n'étaient pas toujours respectées. Selon le Monde, dès 2006, le secrétariat général de la défense nationale mettait en garde l'Elysée et les cabinets ministériels concernant l'utilisation des Blackberry, des téléphones qui permettent, certes, d'avoir des communications chiffrées, mais dont le contenu était hébergé par une entreprise canadienne… facilement accessible pour les agences américaines. En 2007, alors que les mises en garde allaient croissantes, Nicolas Sarkozy avait reçu un téléphone ultra-sécurisé, le Teorem, produit par Thalès, pour un coût estimé entre 2 000 et 4 500 euros, et dont l'utilisation est conseillée par l'Anssi. Peu à peu, ils ont été reçus dans tous les ministères régaliens.
Pourtant, en 2015, des documents de la NSA obtenus par WikiLeaks et publiés par Libération évoquaient une conversation entre Nicolas Sarkozy et son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé. Soit l'agence américaine avait réussi à déjouer le chiffrement de ce portable forteresse, soit l'un des deux hommes utilisait un autre téléphone. La multitude des photos montrant François Hollande un iPhone à la main ont encore montré que le portable sécurisé n'avait pas été totalement adopté. Il faut dire que ses fonctionnalités sont très limitées. D'Emmanuel Macron enfin, on sait qu'il a deux portables de la marque Apple mais aussi «un troisième téléphone crypté», comme l'a expliqué son entourage. Impossible de savoir à quel point il l'utilise. Seulement peut-on remarquer qu'il ne trône pas sur son portrait officiel.