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Libération
Piégés

Budget : le gouvernement perd la première manche dans l'opinion

A vouloir faire la réforme de l'ISF et l'allègement de la fiscalité du capital tout de suite tandis que les «mesures pouvoir d'achat» sont étalées dans le temps, l'exécutif aura du mal à se défaire de l'accusation, portée par la gauche, de «cadeaux aux plus riches».
Les ministres de Bercy, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. (Photo Martin Bureau. AFP)
publié le 28 septembre 2017 à 12h38

Dur, dur, d'«assumer» jusqu'au bout. Au lendemain de la publication du projet de loi de finances pour 2018, les ministres de Bercy s'échinent à défendre dans les médias que «non», ils n'ont pas constitué un «budget pour les riches» comme l'accuse la gauche. «Je m'insurge contre cette vision […] étroite et fausse, a répondu Bruno Le Maire (Economie et Finances) ce jeudi matin sur RMC. Je ne vous laisserai pas dire que je favorise les plus riches». «C'est tout à fait faux», avait abondé Gérald Darmanin, (Action et Comptes publics), un peu avant lui sur RTL. Leurs arguments : ils ont prévu dans ce premier budget du quinquennat toute une batterie de «mesures pouvoir d'achat» résumées dans un petit livret jaune. Mercredi, les élus de la majorité se sont empressés de diffuser certaines pages sur les réseaux sociaux pour affirmer qu'ils s'occupent de «tous les Français», y compris les plus défavorisés.

Certes, le gouvernement a bien prévu de supprimer la taxe d'habitation pour 80% des foyers les moins aisés. Mais ce n'est qu'une partie d'une réforme finalement étalée sur trois ans. Il a aussi prévu de «supprimer» certaines cotisations salariales pour offrir «dès janvier», un «gain de pouvoir d'achat», insiste-t-on à Bercy. Mais cette mesure sera réalisée en deux fois (en janvier puis octobre) quand la hausse de 1,7 point de CSG ou celles du tabac et des carburants entrera en vigueur au 1er janvier. Le gouvernement a en effet prévu d'augmenter le minimum vieillesse, la prime d'activité, de revaloriser le complément du mode de garde pour les familles monoparentales ou de revaloriser l'allocation adulte handicapé (AAH). Calendrier de ces réformes : avril pour la première, octobre pour les deux suivantes et «fin 2018» pour la dernière.

Justifications toutes rames sorties

Pourquoi cet étalement ? «Pour respecter nos engagements européens en termes de réduction des déficits», répond Le Maire. Le piège se referme là sur le ministre de l'Economie et des Finances : les deux réformes les plus controversées – la transformation de l'ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et une «flat-tax» à 30% sur les revenus du capital – entreront, elles, en vigueur au 1er janvier 2018. Toutes rames sorties, les ministres de Bercy y vont de leurs justifications : ces allégements seront bénéfiques pour tous les Français parce qu'ils aideront… les entreprises françaises. Ce jeudi matin sur RTL, Gérald Darmanin est même allé jusqu'à compter ces baisses d'impôts dans celles concernant «les entreprises» et non les ménages. Pour lui, les 10 milliards d'euros de diminution des prélèvements – prévus en année pleine – se répartissent entre «4 milliards qui profitent aux ménages» et le reste «pour les entreprises et la compétitivité». La veille, Le Maire avait pourtant dit l'inverse devant la presse avec Darmanin assis à sa gauche.

Quant au ministre de l'Economie, il estime que cette «flat-tax» à 30% sur les revenus du capital n'est «pas une politique pour les riches» mais «de financement de notre économie» : «L'économie française a besoin de capital, eh bien on taxe moins le capital», a expliqué Le Maire ce jeudi matin sur RMC. Les 5 milliards que coûtent la réforme de l'ISF et la «flat-tax» sur les revenus du capital ? «Oui, c'est beaucoup d'argent que nous remettons dans l'économie française», a-t-il souligné. Pourtant, la veille, son entourage expliquait aux journalistes qu'il n'était «pas exclu» que des investissements de contribuables français se fassent sur des placements étrangers plus rentables en l'absence d'incitations fiscales : «On vit dans un monde de circulation des capitaux», a-t-on entendu à Bercy. Oui, dur, dur d'«assumer» que ces réformes fiscales jugées prioritaires sont avant tout destinées… aux plus aisés.