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Libération
Edouard Philippe

Vent de fronde dans les régions

L’annonce par Edouard Philippe de la suppression des 450 millions d’euros promis aux conseils régionaux a provoqué un tollé parmi leurs présidents.
Edouard Philippe, jeudi, à Orléans au congrès de l’Association des régions de France. (Photo Guillaume Souvant. AFP)
publié le 28 septembre 2017 à 20h06

Un choix «assumé» pour Edouard Philippe, «un scandale» pour les présidents de région : le congrès de l'Association des régions de France (ARF) s'est ouvert jeudi sur un constat de rupture entre ces dernières et l'exécutif, ce jeudi matin à Orléans. A l'issue du discours du Premier ministre, Philippe Richert (LR), président de l'association et de la région Grand Est, s'abstenait d'applaudir. Avant d'annoncer que les régions se retiraient de la Conférence nationale des territoires, un processus ouvert en juillet par le président Macron : «Le principe de base est que nous ne sommes plus en discussion avec l'Etat», a-t-il tranché. «Il y aura un avant et un après Orléans», ont renchéri plusieurs de ses pairs.

Enjeu de cette querelle : la disparition d’une dotation pour compenser le transfert vers les régions d’une compétence autrefois détenue par les départements, le développement économique. Un accord avec l’exécutif précédent avait débouché sur une compensation de 600 millions, via un double mécanisme : le remplacement de la dotation générale de fonctionnement par une part de TVA reversée aux régions ; et un fonds de 450 millions d’euros annuels, remis en cause par l’actuel gouvernement.

Douche froide

C'est ce dernier qui s'est chargé d'apporter la mauvaise nouvelle jeudi, devant l'assemblée des participants au congrès. «Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avons trouvé dans le budget 2017 une série de promesses dont les financements n'étaient pas toujours garantis, a-t-il rappelé. Il a fallu prendre des décisions.» Le chèque réclamé par les régions ? «Il s'agissait d'un fonds exceptionnel. Je ne veux pas rentrer dans une politique fondée sur des chèques en blanc. Il convient de ne s'engager que sur ce que l'on peut tenir.» Une douche froide pour le public : «On avait quelques signaux qui laissaient entendre qu'ils feraient un geste», explique un cadre de l'ARF.

Le Premier ministre ne s'est pas attardé sur les lieux du congrès. A l'agenda de sa journée, figurait aussi un passage dans l'Emission politique, sur France 2, avec un débat face à Jean-Luc Mélenchon. En son absence, un vent de fronde a soufflé sur les présidents de région, toutes tendances confondues. «Quel exploit du Premier ministre, a ironisé Renaud Muselier, président (LR) de Paca. Ce matin la fronde est totale contre son discours, et forcément contre le Président.» Alain Rousset (Nouvelle-Aquitaine, PS) a appelé Edouard Philippe à «se ressaisir» : «On efface ce qui s'est passé ce matin et vous faites un autre discours.»

«Pieuvre»

Très politique, Xavier Bertrand (Hauts-de-France, LR) s'est, lui, indigné du «mépris» affiché par une «pieuvre technocratique qui cherche à économiser trois francs six sous» : «Je pense qu'il faut se retirer de tout dialogue avec l'Etat.» Les élus envisagent de saisir le Conseil constitutionnel pour faire respecter le principe de compensation financière lorsque de nouvelles compétences sont transférées aux collectivités.

Même colère du côté des départements, en litige avec l’Etat sur le financement des allocations de solidarité et les mineurs non accompagnés. Le président de l’Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau (LR), a annoncé son refus de discuter du «pacte» Etat-collectivité. Proposé en juillet par Macron lors de la Conférence des territoires, celui-ci engage les principales collectivités à maîtriser leurs dépenses, contre davantage de liberté d’action et d’organisation - un processus désormais menacé.

Jeudi après-midi, Matignon affirmait «regretter» la décision des régions et rester «ouvert au dialogue» : «Il est faux de dire que les moyens alloués par l'Etat sont en baisse», ajoute l'entourage du Premier ministre, qui souligne que le produit de la part de TVA redirigée vers les régions sera, en 2018, supérieur de 100 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Et de s'affirmer confiant : «A un moment, la raison prévaudra.»