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Libération
Récit

Burger King et ses ménages sous-payés

publié le 3 octobre 2017 à 20h46

«Plus tard» , «le mois prochain», «bientôt». Ces mots, Zoubir, Hassan, Maduigata, Bakary, tous salariés sans papiers embauchés par Albiance, une société de nettoyage prestataire de Burger King France, en ont marre de les entendre. Depuis des mois, ils réclament d'être payés au juste prix pour leur travail. Celui de briquer, six nuits sur sept, les cuisines et locaux du géant de la restauration rapide. Alors, ce mardi matin, ils sont une dizaine, marocains pour la plupart, venus de plusieurs fast-foods de la région parisienne, à s'être réunis derrière une banderole CGT pour occuper le restaurant de la place de la République, à Paris. Leur revendication principale ? «Le respect.»

Employés à temps partiel, tous racontent effectuer bien plus que les trois heures de travail qui figurent sur leur contrat et leur feuille de paye pour venir à bout des tâches qui leur sont demandées. Autant d'heures supplémentaires qu'ils veulent à présent se faire payer. «Chaque nuit, je commence à minuit et je ne finis jamais avant 4 heures ou 5 heures. Le mardi, je dois même rester jusqu'à 6 h 30, parce qu'on me demande d'attendre que le manager du Burger King arrive avant de partir. Mais je ne suis payé que trois heures», explique Bakary, qui a fait plusieurs réclamations restées sans réponse. «On est face à du travail partiellement dissimulé. Aujourd'hui, ils sont onze en grève, mais ils sont beaucoup plus à être dans la même situation», pointe Marilyne Poulain, de la CGT Paris, qui les accompagne dans ce combat commencé par deux d'entre eux il y a quelques mois. Depuis, une plainte a été déposée auprès du tribunal de grande instance de Paris et l'inspection du travail a été saisie. Dans la nuit de lundi à mardi, plusieurs contrôles ont eu lieu dans les restaurants concernés, souligne la CGT. De quoi bétonner les dossiers des salariés. Dans des pochettes, les grévistes conservent les preuves des infractions au code du travail qu'ils dénoncent. Sur une feuille volante, Hassan a listé les heures non payées : 49 en février, 45 en mars, 38 en avril… Autre grief de ces «salariés invisibles» : l'existence d'une «fausse période d'essai […] imposée, non déclarée, non payée». Pour la CGT, ces sans-papiers sont recrutés «spécialement du fait de leur vulnérabilité».

A la manœuvre : un responsable parisien de la société Albiance qui, selon le syndicat, procurerait même, «directement ou indirectement», des «fausses cartes d’identité italiennes ou portugaises» aux travailleurs. L’un des grévistes affirme d’ailleurs avoir déboursé pas moins de 1 000 euros au moment de signer son contrat. Contactée par Libération, Albiance n’a pas souhaité s’exprimer à ce sujet.