Directeur délégué de la rédaction des Echos, Dominique Seux est l'éditorialiste économie de la matinale de France Inter, qui réunit chaque jour près de deux millions d'auditeurs. Que Seux soit un journaliste ouvertement libéral n'est pas un problème. Il ne s'en cache pas. Et pour peu que l'auditeur ait l'oreille un peu habituée aux subtilités de la grammaire macro-économique, il est a priori en mesure de démêler le commentaire du fait. Sauf que, jeudi matin, tout à sa défense du gouvernement, Seux oublie qu'il est censé faire de l'économie et pas uniquement de la politique. Et qu'à tordre la réalité statistique (ou à refuser de voir ce qu'elle dit), il en vient à professer des contrevérités. Donc, ce matin-là, Seux voulait à tout prix démontrer que les grands gagnants du budget d'Emmanuel Macron étaient les plus modestes. Pour cela, il s'appuyait sur une étude de la direction du Trésor (dont Libération s'est aussi fait l'écho), qui concluait que les mesures sociales du gouvernement, permettaient aux 10% de Français les plus modestes (qu'on appelle le 1er décile) de voir leur «niveau de vie augmenter de 3%», contre 1,5% pour les 10% des plus riches. Et Seux de conclure par ces mots : «Donc ce ne sont pas les plus pauvres qui payent au passage les coups de pouce aux plus riches.»
Passons sur le fait que Seux choisit un chiffrage qui ne prend pas en compte la fiscalité écologique et la hausse du prix du tabac (qui touche d'abord les plus modestes). Avec ce périmètre, la hausse du niveau de vie du premier décile serait de 2,1%, contre 1,2% pour le dernier. Mais ce qu'il oublie surtout de faire, c'est de prendre une calculette (comme l'a fait Pierre Madec, économiste à l'OFCE, sur la base des chiffres du Trésor) pour nous dire que ces baisses d'impôts pour les plus riches représentent 27% du total, contre 7% pour les plus modestes. Enfin, si Seux était totalement honnête, il préciserait que c'est en priorité ces derniers qui seront demain pénalisés par la diminution de la dépense publique censée financer, entre autres, ces réductions d'impôts : baisse des emplois aidés, hausse du forfait hospitalier… Difficile alors, sauf à mobiliser beaucoup de mauvaise foi, de dire que les pauvres «ne payent pas» la baisse de l'ISF des plus riches.