Christine Rivière ne lâche pas. Accoudée à la paroi du box, elle toise la présidente du tribunal. On pourrait presque croire à de l’insolence, sans ces quelques larmes qui montent à la suspension de séance. Celle qui a été surnommée «Mamie jihad» (à 51 ans, c’est la plus âgée des «revenantes» de Syrie) comparaît ces jeudi et vendredi devant le tribunal correctionnel de Paris, soupçonnée d’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme. Elle risque jusqu’à dix ans de prison.
Fils émir. «C'est vous qui voyez le mal partout», lâche-t-elle à la présidente qui la bombarde de questions sur ses trois séjours en Syrie, en 2013 et 2014, mais aussi sur les photos où on la voit porter des armes, ou encore sur les posts de décapitations et de crucifixions de sa page Facebook. C'est, dit-elle, par amour pour son fils, Tyler Vilus, qu'elle a séjourné plusieurs mois dans les territoires contrôlés par l'Etat islamique. «Moi, je n'étais pas avec une organisation, j'étais avec mon fils», répète-t-elle. Elle a été arrêtée le 22 juillet 2014, juste avant de partir s'installer sur les terres du califat, où l'attendait un «mari».
Converti à l’islam, Tyler Vilus est l’un des plus premiers jihadistes français à avoir rejoint la Syrie, en mars 2013. Au sein de l’EI, il a pris du galon jusqu’à devenir émir d’une katiba.
«Connerie». Fille de forain, mariée un temps avec un protestant évangélique (le père de Tyler), Christine Rivière s'est convertie à l'islam à la suite de son fils. De ses allers-retours en Syrie, «Mamie jihad» ne livre aucun détail. «C'est mon fils qui s'est occupé de tout. Moi, j'ai payé le billet d'avion, raconte-t-elle. J'aime mon fils. Depuis qu'il est devenu musulman, il a un meilleur comportement. Mais il a fait des choses pour lesquelles je ne suis pas trop d'accord.» Tyler Vilus a été arrêté le 2 juillet 2015 à Istanbul et renvoyé vers la France. Ce retour, à quelques mois des attentats de novembre, paraît suspect au renseignement. Vilus doit être prochainement jugé à son tour.
De ses activités à elle, elle parle peu. A-t-elle aidé des jeunes femmes à partir en Syrie ? Elle assure que non. Etait-elle au courant de projets d'attentats ? Là aussi, des zones d'ombre subsistent. «Ma mère s'est perdue dans son truc, affirme son fils aîné, Leroy. Elle a fait la connerie de partir en Syrie et je suis d'accord pour qu'elle paye pour cela. Mais je ne l'imagine pas du tout sortir dans la rue et tirer sur des gens.» Dans le box, Christine Rivière pleure.