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Libération
Critique

Au Jardin Nelson-Mandela et à la Gare Rosa-Parks Magie de la rue, Mirage de la jungle

publié le 6 octobre 2017 à 18h16

Une enquête dans les rues de Manchester pour retrouver la trace de Bez, danseur illuminé des Happy Mondays (groupe indie-pop des années 90), des vétérans qui rejouent la bataille d’Orgreave ayant opposé les mineurs grévistes aux brigades envoyées par Thatcher… Jeremy Deller, lauréat du prix Turner en 2004, n’a cessé de rendre hommage au génie, plus ou moins cabossé, de la culture populaire anglaise. Ce qui donne toujours des œuvres rythmées et collectives, dont les protagonistes s’encanaillent dans les pubs, battent le pavé en brandissant des banderoles qui valent toutes les peintures de maîtres, dansent dans la rue ou font des galipettes sur un Stonehenge gonflable - une attraction quasiment foraine réalisée par l’artiste et dont on voit, dans l’une des deux vidéos qu’il projette à la Nuit blanche, le succès qu’elle a eu.

Dans le film English Magic, deux entités sont cependant laissées à l'écart : une Land Rover qui finit écrabouillée à la casse, symbole de la désindustrialisation du Royaume-Uni, et puis un aigle, symbole de tous les empires, rendu ici à sa condition superbe d'animal sauvage. Comme si Deller incitait les nostalgiques à tourner la page et à parier sur le dynamisme de la culture de rue et sur le cosmopolitisme.

Et l'artiste d'enfoncer le clou de l'optimisme dans sa seconde pièce, docu fabuleux suivant le rêve de Bom Bom, une illustratrice japonaise qui, trois mois par an, vit sa passion du dancehall et du slapstick en Jamaïque. Bom Bom's Dream, réalisé en collaboration avec la performeuse argentine Cecilia Bengolea, multiplie les incrustations aux couleurs acides et s'en remet à la parole d'un caméléon géant pour conter les progrès du personnage et ses aventures, du dancefloor à la jungle. Remix d'Alice au pays des merveilles, connecté aux pulsations de basse de cette musique syncopée, la vidéo ouvre une veine fantastique dans le travail de Jeremy Deller qui, pour ausculter le réel et l'histoire, ne se prive pas de les réenchanter.