C'est un des marronniers sanitaires du mois d'octobre: l'arrivée du vaccin contre la grippe et le lancement de la campagne de vaccination. Dans ce rôle obligé, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a fait la semaine dernière son boulot, sans rechigner, non seulement en se faisant vacciner publiquement, mais aussi en mettant en exergue le slogan de l'assurance maladie – «Ne laissons pas la grippe nous gâcher l'hiver». Insistant sur l'idée qui lui est chère que «se vacciner, c'est aussi protéger les autres». Et sur ce point, elle a haussé le ton, en particulier en direction des professionnels de santé.
A peine un soignant sur quatre se fait vacciner
La situation est, il est vrai, cocasse. Alors que l'on critique parfois les citoyens pour leurs hésitations sur la vaccination, les premiers intéressés manifestent une drôle d'indifférence: à peine un professionnel de la santé sur quatre se fait vacciner contre la grippe. «Le taux de vaccination chez les professionnels de santé n'est pas acceptable. J'enjoins les professionnels de santé à avoir une attitude exemplaire», a lâché, avec force, la ministre, avant de laisser planer une menace: «Si le taux n'augmente pas cette année, nous ne pourrons pas ne rien faire. Les soignants doivent donner l'exemple. C'est aussi un enjeu de crédibilité politique des pouvoirs publics. Et nous agirons.» Ainsi, Agnès Buzyn ne se refuse pas par principe, à réfléchir à des mesures, y compris contraignantes, à leur égard. A suivre donc…
14 400 décès durant l’hiver 2016-2017
Pour le reste, la grippe saisonnière constitue toujours un modèle de santé publique très particulier, aussi passionnant que complexe. On le sait, la grande particularité de cette épidémie est que le virus n'est pas tout à fait le même chaque année, et il faut toujours un savant dosage des différentes souches virales pour constituer le vaccin. En 2016-2017, par exemple, c'est essentiellement le sous-type viral H3N2 qui a circulé en France (à près de 98%). Pas de chance, le vaccin de l'année dernière ne l'avait pas inclus. «L'épidémie a été précoce, s'étalant de décembre 2016 à février 2017, soit sur dix semaines, a rappelé le Dr Daniel Levy Bruhl, de l'Agence Santé Publique France. Ce fut une épidémie modérée, voire très modérée.» Pour autant, il y a eu quand même autour de 14 400 décès, dont 91% concernant des personnes âgées de plus de 75 ans, l'âge étant le facteur de risque majeur.
Voilà pour le virus, mais quid de la vaccination? La couverture vaccinale a été en légère baisse par rapport à 2015. «L'an dernier, l'assurance maladie a demandé à plus de 11 millions de personnes de se faire vacciner, dont près de 80% avaient 65 ans et plus. Parmi eux, 47,4 % se sont fait vacciner, soit une diminution de 0,9 point en comparaison de 2015.» Cette année, la campagne de vaccination est du même ordre, concernant plus de 12 millions de personnes: il s'agit, comme toujours, des personnes de plus de 65 ans, celles atteintes de certaines maladies chroniques, les femmes enceintes et les personnes souffrant d'obésité morbide.
Un vaccin moyennement efficace
Une forte campagne est donc lancée par la sécu. Avec un objectif: améliorer le taux de vaccination. Comme l'a rappelé le professeur Olivier Lyon-Caen, médecin-conseil à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), la situation est hétérogène: «Ainsi, 56% des personnes de plus 70 ans sont vaccinées, mais seulement 37% chez les jeunes seniors de 65 à 69 ans, et tout juste 36% chez les personnes atteintes de maladies chroniques.»
C'est insuffisant. De plus, le vaccin contre la grippe n'est pas d'une efficacité à 100%, loin s'en faut. Il est autour de 40% , et ce taux baisse chez les personnes à risque: 26% chez les personnes à risques… Et il baisse encore plus parmi les patients de plus de 65 ans avec un taux de 23%. «Plus vous êtes âgé, moins vous êtes protégé par le vaccin. C'est le principe de la dégénérescence de la réponse immunitaire, ce qu'on appelle l'immunosénescence», explique le professeur Bruno Lina, des hospices civils de Lyon.
C’est le paradoxe de cette campagne de vaccination: les pouvoirs publics insistent à juste titre pour que les personnes âgées se vaccinent contre la grippe. Mais ce sont chez elles que le vaccin est le moins efficace. C’est pour cela que certains experts évoquent l’appui d’autres stratégies: vacciner aussi massivement les adultes pour éviter qu’ils ne transmettent le virus à leurs… aînés.
Enfin, réelle nouveauté cette année: les pharmaciens peuvent vacciner, mais seulement dans deux régions pilotes, la Nouvelle-Aquitaine, et la région Auvergne-Rhône Alpes.