No future. La droite française est si mal en point qu'elle s'apprête, dans une relative indifférence, à se donner à Laurent Wauquiez, le plus détesté de ses leaders. En à peine plus de dix ans de vie politique, le jeune président de la région Auvergne-Rhône-Alpes (42 ans), aura fait la démonstration d'une remarquable capacité d'adaptation. Avec sa parka rouge et son trop large sourire, il est passé, sans coup férir, de Jacques Barrot, son défunt mentor chrétien-démocrate, au maurrassien Patrick Buisson, l'homme qui chuchotait à l'oreille droite de Sarkozy.
Malgré sa proverbiale déloyauté, l’élection de Wauquiez à la présidence de LR ne fait aucun doute. Ses concurrents déclarés sont des seconds couteaux. Dans le meilleur des cas, ils seront récompensés de leur participation par des places honorables à la future direction. Plutôt que d’une élection, l’ancien patron de l’UMP, Jean-François Copé - qui voue à Wauquiez une haine irrémissible - estime qu’il conviendrait de parler d’une «désignation». Il est vrai qu’aucun des ténors susceptibles d’inquiéter le favori n’a souhaité se présenter. Les présidents de région Xavier Bertrand (Hauts-de-France) et Valérie Pécresse (Ile-de-France) se désintéressent ostensiblement de ce scrutin qu’ils ont décidé d’«enjamber», sans soutenir personne.
Tourments
Torpillée par Macron, la droite est divisée en deux camps qui n'ont, pour l'heure, pas grand-chose à se dire. D'un côté ceux qui parient, avec Wauquiez, sur l'échec du gouvernement et préparent la revanche de 2022. De l'autre, les Bertrand, Pécresse et autres plus ou moins «constructifs» qui ne voient pas comment s'opposer frontalement à une politique économique qui correspond, peu ou prou, au programme de la droite. C'est encore Copé qui le dit sans détour : «On a un président de la République qui fait tout ce qu'on n'a pas eu le courage de faire sur le plan économique. Ayons le courage de le reconnaître.» Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, s'est fait un plaisir de remuer le couteau dans la plaie devant l'Assemblée nationale, en rappelant que tout ce qu'il entreprend a été «réclamé par nous tous ici sur les bancs de la droite». «Soutenez-nous, Monsieur Woerth ! Rejoignez-nous !» s'est-il exclamé, en réponse à une question de son prédécesseur. On comprend mieux, dès lors, les tourments de la direction de LR qui se demande, depuis plus de quatre mois, comment traiter les élus LR qui soutiennent le gouvernement.
«La vraie droite, c'est nous», proteste en substance Christian Estrosi, farouchement opposé aux exclusions de ses amis «Constructifs». Les traîtres pour lui, ce sont ceux qui ont entretenu l'ambiguïté sur leur vote au second tour de la présidentielle. Il s'est fendu d'un courrier facétieux à Bernard Accoyer, l'actuel numéro 1 de LR. Puisque le parti a «pris l'habitude» d'engager des «procédures d'exclusion», il suggère d'inscrire à l'ordre du jour du bureau politique «l'exclusion de ceux qui ont entretenu le doute sur leur positionnement vis-à-vis du Front national à la dernière élection présidentielle». En clair : exclure Wauquiez plutôt que Darmanin…
Echec
Accoyer se gardera bien de répondre. A la tête de LR pour deux mois encore, l'ancien grognard de la chiraquie tente de sauver ce qui peut l'être. Il veut croire que son parti a encore sa raison d'être dans un paysage recomposé. A côté du «parti social-démocrate à la Schröder» qu'il voit se fédérer autour de Macron, il veut croire qu'il existe une place pour «un rassemblement de la droite républicaine». S'il se défend de parier sur l'échec de Macron, il constate qu'on ne peut l'exclure et qu'il serait irresponsable, dès lors, «de laisser aux extrêmes le monopole de l'opposition». A défaut de faire rêver, voilà une droite qui se dévouerait, au nom d'un devoir d'opposition.