Virginie Calmels est officiellement la «jambe gauche» de Laurent Wauquiez. Du moins, celle qui lui permet de pas trop pencher à l'extrême droite. Après plusieurs semaines de silence et alors que les candidats pour la présidence de LR sont désormais tous connus, Calmels est partie battre la campagne. Proche d'Alain Juppé devenue soutien de Laurent Wauquiez, la première adjointe Les Républicains (LR) à la mairie de Bordeaux a immédiatement fait valoir sa plasticité idéologique au micro de France Inter, mercredi. La probable future vice-présidente du parti de droite assume certes «venir de l'aile libérale», mais d'un «libéralisme populaire, un libéralisme qui ne veut pas laisser de côté les classes populaires». Comme une tentative de définition d'une impossible synthèse de la droite française. «C'est une volonté que les gens aillent mieux demain qu'hier, c'est montrer que le libéralisme, ce n'est pas le capitalisme, c'est tirer tout le monde vers le haut», précise-t-elle.
Un choix lourd de symboles
Tout au long de sa carrière, Virginie Calmels en a connu, des ascensions fulgurantes. Directrice générale de Canal + à 31 ans, présidente de la multinationale Endemol (France, puis Monde) à peine dix ans plus tard… le CV a de quoi faire pâlir de jalousie tout entrepreneur qui a soif de responsabilités. Problème, cette réussite, Virginie Calmels a bien du mal à la retrouver depuis sa reconversion politique. Et pourtant, là encore, tout avait démarré sur les chapeaux de roues. Un soir de 2013, le téléphone de Virginie Calmels sonne. Au bout du fil, un ami d'Alain Juppé. Trois questions animent la conversation : «Tu es toujours de droite ?» «Tu es encore passionnée par la politique ?» «Tu serais intéressée de rejoindre la liste municipale d'Alain Juppé pour les élections de 2014 ?» Les réponses de la quadragénaire sont affirmatives. Quelques mois plus tard, Virginie Calmels devient première adjointe à la mairie de Bordeaux.
Depuis, elle enchaîne les déconvenues et controverses. Et ce n'est pas son ralliement à Laurent Wauquiez qui va calmer les choses. Début septembre, l'adjointe choisit de gravir une nouvelle montagne. Devant une flopée de caméras, la blonde aux yeux bleus accepte d'accompagner la chevelure grisonnante de Laurent Wauquiez lors de sa traditionnelle ascension des 1 700 mètres du mont Mezenc (Massif central). Un choix qui fait grincer des dents dans les rangs LR, tant il est lourd de symboles. Pour beaucoup, quitter la droite modérée d'Alain Juppé au profit des idées très - trop - à droite de Laurent Wauquiez n'a «aucun sens, ni cohérence idéologique». La dirigeante d'entreprise a beau justifier son choix par souci de créer de «l'unité en rassemblant» les différents courants LR, la pilule passe mal. D'autant plus mal que la première adjointe d'Alain Juppé se baladait au côté de son mentor quelques jours auparavant dans les rues pavées de Bordeaux, à l'occasion de la rentrée politique des juppéistes. Ces derniers n'y voient donc rien de plus qu'une banale manœuvre stratégique.
Après tout, à quoi bon rester au côté de celui qui a perdu la primaire et affirme ne plus avoir d'ambition nationale, quand le grand favori pour prendre la tête du parti vous propose une alliance ? «Ce choix m'a d'autant plus étonné qu'elle ne nous en a pas parlé la semaine où on s'est réunis entre juppéistes. C'est opportuniste comme démarche. Il n'y a rien de collectif dans ce choix», nous expliquait alors Fabienne Keller, porte-parole d'Alain Juppé pendant la primaire. «Elle utilise le label Juppé pour ses fins personnelles, c'est vraiment dérangeant. Wauquiez et Juppé sont totalement incompatibles. C'est une évidence pour tout le monde» , glisse un proche du maire de Bordeaux. Un débat qui n'a pas lieu d'être pour Laurent Wauquiez. «Nous avons commencé à en discuter début juillet. J'aime la fraîcheur et le côté direct de Virginie. C'est un choix dans l'intérêt de tous, se satisfait-il. Si Alain Juppé se présentait à la présidence, je comprendrais que certains puissent parler de trahison, mais en l'occurrence ce n'est pas le cas !»
«Quelqu’un de très déterminé et pragmatique»
Pendant les quarante premières années de sa vie, Virginie Calmels a davantage été habituée aux compliments et aux choix payants. Née à Talence (Gironde), la petite tête blonde est brillante et en avance pour son âge. Très vite, les débats auxquels elle assiste lors des repas de famille lui donnent le goût de la politique. «A 10 ans, je jouais à la Barbie comme tout le monde et, à côté de ça, je connaissais le gouvernement de Mitterrand par cœur», reconnaît celle dont les parents penchaient plutôt pour les idées de Giscard. Diplômée de l'école de commerce Sup de co Toulouse, la jeune adulte a le tempérament taillé sur mesure pour intégrer le monde de l'entreprise. «Je suis quelqu'un de très déterminé et pragmatique. Quand on me donne un objectif, je mets un point d'honneur à tout faire pour l'atteindre», proclame-t-elle. En quelques années, son ascension professionnelle est aussi précoce que fulgurante.
Celle qui commence par travailler dans un cabinet d'audit financier ne tarde pas à faire parler d'elle. A l'époque, le directeur général de Canal +, Pierre Lescure, charge Denis Olivennes de développer une petite entreprise du groupe : Numéricable. Ce dernier remarque vite la diplômée de seulement 26 ans. «Elle m'est immédiatement apparue comme quelqu'un de très intelligent, énergique et rigoureux. Avec Virginie, il y avait quelque chose d'évident. Nous lui avons donc proposé de devenir la directrice financière de Canal», se souvient le président de Lagardère Active. S'ensuit la direction de la chaîne, puis la présidence d'Endemol France et Monde. «Je suis très franchouillarde et pourtant, lorsqu'il s'agit du travail, c'est la culture anglo-saxonne qui me correspond le mieux», dit-elle. Comprenez : pragmatisme, rentabilité, efficacité. A même pas 30 ans, Virginie Calmels a déjà mené trois plans de licenciement. A 40, elle dirige plusieurs milliers d'employés. «Quand vous voulez être à la hauteur des lourdes responsabilités qu'on vous a confiées, vous êtes obligée d'assumer», affirme-t-elle. Autrement dit : pour gravir les échelons, il faut aussi savoir être rude, ferme et sans scrupule.
«Pas de plan de carrière»
Mais voilà, si la recette marche parfaitement en entreprise, c'est un peu plus difficile en politique. Depuis qu'elle occupe le poste de première adjointe, Virginie Calmels n'a connu aucun succès, à l'image de sa défaite aux élections régionales de 2015 face au candidat PS Alain Rousset en Nouvelle-Aquitaine. Pire, depuis 2016 et la défaite de son mentor à la primaire de la droite et du centre face à François Fillon, la personnalité de Virginie Calmels est souvent jugée «trop clivante et opportuniste». Il faut dire qu'elle n'a pas hésité à retourner sa veste à plusieurs reprises. En 2017, après la victoire à la primaire, elle rejoint François Fillon avant de l'abandonner le 3 mars, au moment où le candidat est au plus mal. Un mois auparavant, elle était déjà en quête d'indépendance, en lançant son propre micromouvement DroiteLib. Désormais, elle s'affiche avec le candidat considéré comme futur président de LR, Laurent Wauquiez. «A-t-elle véritablement été du côté de Juppé un jour dans sa vie ? On peut se le demander. Il avait à peine perdu la primaire qu'elle s'était déjà jetée dans les bras de Fillon» , glisse un proche de Juppé. «Même à la mairie de Bordeaux, sa personnalité est loin de faire l'unanimité, ajoute un élu bordelais. Au début, il y avait un deal : si Juppé gagnait la présidentielle, elle prenait la mairie de Bordeaux. Mais depuis quelque temps, le plan était remis en question. Elle n'est pas assez aimée.»
A toutes ces critiques, elle répond, le verbe assuré : «Ça me fait rire quand j'entends les gens dire ça. Je n'ai jamais eu de plan de carrière, je me contente de rester droite dans mes bottes. Je garde mes convictions pro-européennes et libérales. Depuis le début, je reste fidèle à Alain Juppé […]. J'avais quoi comme choix, hormis Laurent Wauquiez ? Aucun poids lourd ne veut la présidence du parti. C'est le seul qui a de l'envergure.» Pour l'anecdote, lorsqu'on a demandé à Virginie Calmels pourquoi elle avait rejoint Alain Juppé au départ, elle a préféré vanter l'homme plutôt que ses idées : «Alain Juppé, c'est un homme d'Etat. C'était une opportunité, au sens noble du terme, qui ne se refusait pas.» Comme peut l'être aujourd'hui Laurent Wauquiez. Une belle opportunité de croissance, selon le jargon du milieu des affaires.