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Libération

William Bourdon : «Il y a une énigme qu’il faut percer [sur le rôle de l’Etat dans l’affaire Lafarge].»

William Bourdon, avocat et président de l’ONG Sherpa
publié le 13 octobre 2017 à 20h56

Partie civile dans l’enquête sur les activités du cimentier Lafarge en Syrie et qui a déposé une plainte avec onze de ses anciens salariés syriens, l’ONG Sherpa a demandé vendredi l’audition par la justice de l’ancien ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius. Le groupe industriel fait l’objet d’une enquête judiciaire pour avoir indirectement financé des groupes armés en Syrie dont l’Etat islamique, afin de pouvoir poursuivre en 2013 et 2014 les activités de sa cimenterie flambant neuve LCS malgré le conflit.

Construite en 2010, cette cimenterie située à Jalabiya, dans le nord de la Syrie, est la plus importante du Moyen-Orient et a représenté un investissement de près de 600 millions d’euros pour Lafarge. Entendus dans le cadre de l’enquête menée depuis juin par trois juges d’instruction, quatre anciens responsables du cimentier dont son ex-PDG Bruno Lafont ont affirmé que cette volonté de rester coûte que coûte dans le pays en guerre avait reçu l’aval des autorités françaises. L’association anticorruption a donc demandé mercredi que l’actuel président du Conseil constitutionnel et deux anciens ambassadeurs de France en Syrie, Eric Chevallier et Franck Gellet, soient entendus par la justice.

L'Etat coresponsable ? «On n'en sait rien à ce stade mais la meilleure manière de le savoir est d'entendre les responsables du Quai d'Orsay de l'époque», explique l'avocat William Bourdon, président de l'ONG Sherpa dans un entretien à Libération.fr. «C'est une chose de ne pas vouloir perdre un investissement de plusieurs centaines de millions d'euros pour Lafarge, mais c'en est une autre que l'Etat ait pu les encourager à se maintenir en Syrie alors que tous les autres grands groupes industriels étrangers présents sur place avaient depuis longtemps plié bagage.»

Pour William Bourdon, les accusations des responsables de Lafarge «sont loin de caractériser une quelconque complicité pénale de l'Etat. Cela n'enlève rien au fait qu'il est indispensable de rechercher toutes les responsabilités».