Menu
Libération

«Binge drinking» : la biture à toute allure, la santé accidentée

publié le 16 octobre 2017 à 20h16

On n’y prête plus guère d’attention, comme habitués à cette nouvelle pratique : le «binge drinking» ou biture express, qui consiste à consommer très vite une très grande quantité d’alcool à la fois. Aux Etats-Unis, on estime qu’environ 90 % de l’alcool consommé par les moins de 21 ans y est bu lors de ces défonces éthyliques.

En France, «entre 13 et 25 ans, il faut passer aujourd'hui de façon quasi incontournable par ce rituel», écrivent le professeur Amine Benyamina, chef du service d'addictologie de l'hôpital Paul-Brousse, près de Paris, et la journaliste Marie-Pierre Samitier dans un livre qui se veut un cri d'alarme (1). Et pour cause… Les chiffres inquiètent. Lors de l'enquête sur la santé et les consommations réalisée durant la Journée d'appel et de préparation à la défense, plus d'un quart des jeunes déclarent avoir connu au moins trois épisodes d'ivresse au cours des douze derniers mois. Face à ce risque, il y a de fait peu de réponses sanitaires. Et surtout une faible prise de conscience du danger. «La fragilité des adolescents en fait pourtant une cible vulnérable, et rien n'est fait pour les aider; jamais des campagnes de prévention ciblant ces pratiques n'ont été officiellement organisées. C'est toute une génération qui est sacrifiée sur l'autel du business», dénoncent les auteurs.

Les témoignages qu'ils livrent sont troublants. Sarah : «Je me soûle chaque fois que j'en ai l'occasion et à vrai dire, je me fais honte.» Julien : «Dans nos écoles, il y a une énorme culture des soirées très arrosées.» Et ces pratiques peuvent se poursuivre chez les trentenaires, lors de fêtes, autour de jeux qui consistent à boire beaucoup. Et vite. Ce qui n'est pas sans conséquences : outre le risque de coma éthylique, les adeptes du binge drinking «ont révélé des difficultés cognitives réelles», alerte le Pr Benyamina. «Nous ne sommes pas tous égaux devant l'alcool. […] La dépendance à l'alcool est une maladie neurobiologique très complexe, dont les mécanismes restent encore en partie incompris.»

Dans la seconde partie, les auteurs montrent les lobbys à l'œuvre, avec le relais des «députés pieds de vigne», le marketing des nouveaux produits pour ados, mais aussi des dizaines d'applis pour smartphones.

(1) Comment l'alcool détruit la jeunesse : la responsabilité des lobbies et des politiques (Albin Michel)