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Libération

Trois mois de vide juridique

publié le 16 octobre 2017 à 20h56

C'est un signe révélateur de l'importance accordée au harcèlement sexuel : en 2012, la France s'est retrouvée pendant trois longs mois sans loi sur le sujet grâce (entre autres) à un harceleur. Ce cas inédit en Europe surgit le 4 mai 2012 : le Conseil constitutionnel abroge brutalement l'article phare du code pénal qui permet de condamner le harcèlement sexuel. Sa décision à effet immédiat découle d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) d'un certain Gérard Ducray, alors 70 ans, ancien député du Rhône (Républicains indépendants) et maire adjoint de Villefranche-sur-Saône. Il se trouve que cet homme a été condamné en appel en 2011 à trois mois de prison avec sursis et 5 000 euros d'amende pour des «avances lourdes», comme on dit, sur trois employées de mairie. Dans sa question, l'homme attire l'attention des «sages» sur le fait que l'article définissant le harcèlement sexuel est trop flou. Bingo pour Gérard Ducray, les sages lui donnent raison. Et voilà les harceleurs en paix, jusqu'à ce qu'une nouvelle loi soit enfin promulguée, le 6 août 2012. Désormais, est «assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle». Bilan de cette affaire ? Selon l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), quelque 3 000 dossiers pour harcèlement sont tombés dans un trou noir. Le cas de l'une des victimes est sur le bureau de la Cour européenne des droits de l'homme, qui pourrait condamner la France.