La réforme de l'ISF (et celle de la flat tax) ne passe toujours pas. Elle est rejetée par une large majorité de l'opinion. Elle a réveillé l'opposition de gauche et fait tiquer y compris certains alliés du gouvernement comme le Modem. Elle a même réussi à faire sortir de sa retraite un président sortant. Depuis Séoul, où il donnait sa première conférence à l'étranger, François Hollande a décoché son deuxième tacle du quinquennat à destination de son ex-collaborateur devenu président : «Si dans un pays l'idée s'installe qu'il y a une fiscalité allégée pour les riches et alourdie pour les plus modestes ou les classes moyennes, alors c'est la capacité qu'il a à se mobiliser pour son avenir qui se trouve mise en cause.»
Hollande ne parle pas par hasard. Il sait que l'examen du budget à l'Assemblée, qui a commencé mardi et va continuer jusqu'à la fin de l'année, sera une formidable caisse de résonance à un débat qui ne fait que commencer. Avec une question, toujours la même : mais à quoi peut bien servir de signer un chèque de 4,5 milliards d'euros (c'est-à-dire le coût de la réforme de l'ISF et de l'introduction d'une flat tax de 30 % sur les revenus du capital) aux 340 000 foyers fiscaux les plus aisés ? C'est peu dire que le gouvernement a toujours autant de mal à faire émerger ses arguments. Certes, Macron n'a pris personne par surprise, puisque sa réforme était inscrite noir sur blanc dans son programme. Certes, le taux d'imposition du capital en France se situe largement au-dessus de la moyenne européenne. Mais pour le reste, le gouvernement d'Edouard Philippe peine à expliquer l'urgence de cette réforme. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, jure depuis des semaines que cet argent viendra fluidifier le financement de l'économie française ? Pourquoi pas, mais aucun indicateur économique n'indique que les entreprises françaises ont du mal à se financer, en cette période où le capital est abondant et très peu cher. D'ailleurs, dimanche lors de son interview télévisée, le chef de l'Etat s'est retrouvé dans l'obligation de professer une contre-vérité pour tenter de donner un semblant de cohérence à sa mesure. «La condition pour ne plus être dans l'ISF, c'est d'investir dans l'économie française», a ainsi déclaré Macron. Ce qui est totalement faux.
Non seulement cet effort budgétaire sans précédent à l'égard des plus riches s'apparente à un vrai pari, mais également à une boîte noire. En l'état, le législateur, et donc le citoyen, ignore tout de l'impact de cette mesure sur les plus riches. Comme l'avait noté l'OFCE, «effectuer un chiffrage précis du coût de cette réforme et de son impact redistributif est rendu complexe du fait du manque criant de données relatives aux ménages les plus aisés». Pour y voir plus clair, Libération a donc lancé un appel ouvert à tous les parlementaires et aux citoyens pour que le gouvernement ouvre enfin son livre de comptes et calcule l'addition pour les 100 Français les plus riches. Un enjeu de transparence et donc de démocratie.