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Libération

Affaire Robert Boulin : un docu démonte la thèse officielle

publié le 25 octobre 2017 à 20h46

Qui a tué Robert Boulin ? A défaut de répondre formellement à la question, le minutieux documentaire d' Envoyé spécial, diffusé ce jeudi sur France 2, la rend incontournable (1). Trente-huit ans après la mort de l'ex-ministre du Travail de Valéry Giscard d'Estaing, retrouvé le 30 octobre 1979 dans un étang de la forêt de Rambouillet (Yvelines), le journaliste Benoît Collombat fait voler en éclat la thèse officielle, selon laquelle Boulin se serait suicidé après une histoire de malversations immobilières dans le Var.

Auteur de nombreuses enquêtes sur le sujet, Collombat a recueilli des témoignages inédits, exhumé des rapports confidentiels et reconstitué ce gigantesque puzzle qui hante les coulisses de notre histoire politique. Autant d'indices qui permettent de dessiner une autre histoire, celle d'un crime maquillé en suicide. Un «camouflage» , pour reprendre le mot de la fille de Robert Boulin, Fabienne Boulin-Burgeat. D'une précision implacable, le documentaire d' Envoyé spécial retrace toutes les incohérences d'une affaire étouffée dès l'origine. Car plusieurs heures avant que le corps de Boulin ne soit retrouvé, au moins une demi-douzaine de personnes, au sein de l'appareil d'Etat, sont au courant de la mort du ministre. Tout va alors être fait pour en dissimuler la véritable cause. La première autopsie ne révèle ni les deux fractures faciales, ni les hématomes et ecchymoses constatés par les pompiers. Pas plus que les premiers examens du médecin légiste, qui révéleront des anomalies flagrantes.

Au moment de sa mort, Robert Boulin est un homme qui dérange. Sur fond de rivalités entre Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac, il est soupçonné de vouloir révéler certaines affaires troubles de son propre parti, le RPR. Le documentaire questionne en particulier le rôle d’un personnage, Louis-Bruno Chalret, ancien procureur général à Versailles, qui s’est rendu sur place la nuit du drame et a dessaisi les gendarmes au profit des policiers. Un haut magistrat très lié au Service d’action civique (SAC), le service d’ordre gaulliste à la réputation sulfureuse.

La piste d’une implication de la milice gaulliste est corroborée par un autre témoignage, celui de M. Paul, qui raconte avoir été mandaté par l’ancien patron du SAC, pour cambrioler des documents relatifs à Robert Boulin, en 1983.

Que contenaient les archives de Robert Boulin ? Envoyé spécial  explore la piste de l'argent sale de la Françafrique et du financement politique occulte, sans parvenir à lever tous les mystères. Depuis la première plainte en 1983, soldée par un non-lieu en 1991, d'autres ont suivi, notamment pour «destruction de preuves», toutes classées sans suite. Après de multiples rebondissements, une nouvelle enquête a été ouverte fin 2015 à Versailles pour «arrestation, enlèvement et séquestration suivis de mort ou assassinat». Plusieurs témoins ont été entendus, mais aucune reconstitution n'a encore eu lieu, et d'autres témoins clés attendent d'être auditionnés. «A un moment donné, estime Fabienne Boulin-Burgeat, il faudra que la France se regarde dans les yeux.»

(1) Révélations sur un crime d'Etat, un documentaire de Benoît Collombat, Bernard Nicolas, Arnaud Mansir et Erika Barroché, à 20 h 55 sur France 2.