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Libération
Retour difficile

En Guyane, Emmanuel Macron débarque en terrain miné

Le voyage du Président, qui commence jeudi, se fera dans un climat de défiance générale.
Emmanuel Macron, alors en campagne pour la présidentielle, rencontre Rodolphe Alexandre, président de l'Assemblée de Guyane, le 20 décembre 2016 à Cayenne. (Photo Jody Amiet. AFP)
publié le 25 octobre 2017 à 19h57

Un président qui «ne fuit pas les difficultés» mais qui, bien au contraire, choisit de «les affronter» là où elles sont particulièrement fortes. Tel serait, selon l'Elysée, le sens du déplacement de trois jours qu'entreprend ce jeudi Emmanuel Macron. Parce qu'elle est exposée à des problèmes économiques et sociaux particulièrement lourds, il était prévu que la Guyane serait la première destination en outre-mer du chef de l'Etat. En ravageant les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, l'ouragan Irma a bousculé l'agenda présidentiel mais pas ses priorités.

Dans le plus grand des départements français, aussi vaste que le Portugal, Macron est attendu de pied ferme par ceux qui ont animé, au printemps dernier, un mouvement social d’une ampleur inédite. Un rassemblement est prévu jeudi à Cayenne. Contre l’insécurité, contre le chômage et le sous-équipement de leur territoire, des milliers de Guyanais, toutes origines confondues – Créoles, Blancs, Haïtiens, Brésiliens, Amérindiens – avaient manifesté fin mars à Cayenne et à Saint-Laurent-du-Maroni.

Exaspération

Dans ces villes où le taux d’homicide est dix fois plus élevé qu’en métropole, c’est l’exaspération face à l’insécurité qui avait déclenché la révolte. Tous les autres maux de la Guyane ont alors été mis sur la table : l’orpaillage clandestin, l’une des causes d’une immigration massive en provenance du Suriname et du Nord du Brésil, un taux de chômage qui touche 22% de la population et près de la moitié des moins de 25 ans.

Le collectif issu du mouvement social du printemps dernier (Pou Lagwiyann Dekolé, pour que la Guyane décolle en créole) attend du chef de l'Etat qu'il fasse du développement de la Guyane une «priorité absolue» : «La Guyane a voté pour vous, la plupart de nos élus appartiennent à votre groupe.» Comme beaucoup de responsables politiques ou associatifs, le collectif confie s'être senti insulté par «la note sanitaire» diffusée aux membres de la délégation qui accompagne depuis Paris le chef de l'Etat. Reprenant des recommandations obsolètes liées à l'épidémie de virus Zika, aujourd'hui terminée, cette note recommandait «d'éviter de consommer de l'eau du robinet, glaçons, légumes crus, poissons, œufs dont vous ne connaissez pas la provenance». L'Elysée a reconnu une erreur. Mais le mal était fait. Maniant l'ironie, Pou Lagwiyann Dekolé fait mine de se réjouir de constater que le chef de l'Etat semblait «parfaitement informé» des conditions de vie des Guyanais dans leur «enfer vert» aux confins du tiers-monde. Nul doute, dès lors qu'il aura à cœur de débloquer «les fonds nécessaires au rattrapage de ce retard», conclut le collectif.

Détermination

Aux Guyanais exaspérés, Macron va promettre que les engagements pris par son prédécesseur seront tenus. L’accord de Guyane signé les 21 avril par le gouvernement Cazeneuve liste une série de mesures censées positionner la Guyane «sur une trajectoire d’égalité réelle avec le reste du territoire national». L’engagement porte sur près de 3 milliards d’euros, dont plus d’un milliard pour un «plan d’urgence» prévoyant notamment la construction de nombreux équipement.

Pour marquer «symboliquement» sa détermination à «prendre le problème à la racine», Macron a prévu de passer la journée de jeudi à Maripasoula, petit bourg fluvial de 10 000 habitants au milieu de l'immense forêt amazonienne. «A deux jours de pirogue de Saint-Laurent-du-Maroni», souligne l'Elysée, précisant toutefois que le chef de l'Etat, lui, fera le trajet en hélicoptère. Au cœur de la zone d'orpaillage clandestin, Maripasoula cumule tous les problèmes guyanais : enclavement, insécurité, immigration clandestine. Dans le plus reculé des territoires de la République, Macron aura à cœur de démontrer que les services publics assument leur mission. Après avoir salué les militaires de la gendarmerie et de Forces armées guyanaises, il se fera présenter, accompagné du ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer, le chantier d'un futur internat. En Guyane, près de 10% des adolescents de 16 ans ne sont pas scolarisés, soit trois fois plus qu'en métropole.