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Libération
Analyse

La droite vent debout pour ménager son électorat

De la frange radicale incarnée par Wauquiez jusqu’aux peu virulents «constructifs», LR et UDI s’élèvent contre le projet de taxer les retraites.
Les cadres du parti à Lyon, le 23 mai. (Romain Lafabregue. AFP)
publié le 25 octobre 2017 à 20h46

L'affaire semblait entendue : ce président qui glorifie la flexibilité et multiplie les «cadeaux» aux plus fortunés mène, de toute évidence, une politique de droite. L'opposition de gauche n'a aucun doute sur ce point et les députés LR sont bien obligés de reconnaître, de mauvaise grâce, qu'avec la réforme du droit du travail et la quasi-suppression de l'ISF, les choses vont plutôt, de leur point de vue, «dans la bonne direction». Mais le débat sur la hausse de la CSG vient bousculer la géographie de l'antimacronisme. Car c'est cette fois la droite qui est vent debout. Des bienveillants «constructifs» aux tenants de l'opposition radicale incarnée par Laurent Wauquiez, la plupart des dirigeants de LR et de l'UDI dénoncent le racket dont seraient victimes les retraités. En augmentant de 1,7 point la CSG, le gouvernement se donne les moyens de supprimer les cotisations chômage et maladie des salariés. Ces derniers verront ainsi leurs salaires nets augmenter tandis que les retraités les plus aisés verront, eux, leur pouvoir d'achat diminuer. Mettre à contribution les inactifs pour favoriser les actifs et ainsi «mieux récompenser le travail», tel est l'objectif assumé d'Emmanuel Macron.

Règle d'or. Dans son interview au Point, à la fin de l'été, il expliquait qu'il avait effectivement l'intention de «demander un effort» aux retraités au nom de la solidarité entre les générations, faisant valoir que «les pauvres d'aujourd'hui» étaient bien plus souvent les jeunes que leurs grands-parents. Une originalité française à laquelle Macron s'était intéressé dès 2008, alors qu'il officiait à l'Inspection des finances, dans un rapport sur «l'équité intergénérationnelle». Au gouvernement et dans la majorité LREM, on a bien compris qu'il ne serait pas facile de faire accepter ce «changement structurel» : la protection sociale ne pouvant plus reposer sur le seul travail comme au temps du plein-emploi, tous les revenus devront y contribuer, notamment celui des retraités. «Criminel !» s'est étranglé Laurent Wauquiez, candidat à la présidence de LR. Eric Woerth, le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, parle plus sobrement d'une «erreur fondamentale». Depuis les Alpes-Maritimes, le député Eric Ciotti a lancé, avec une vingtaine d'autres parlementaires, une pétition demandant au chef de l'Etat de renoncer à ce projet.

Comme la plupart de ses collègues de la droite républicaine, le Niçois n'oublie pas qu'il est d'abord l'élu des retraités. Cette règle d'or de la sociologie électorale, même les «Constructifs» ne peuvent l'oublier. C'est pourquoi ils sont, sur ce point, à peine moins virulents que les amis de Laurent Wauquiez. Le patron de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, ne s'explique pas que Macron ait fait le choix «absurde» de la CSG alors qu'il était selon lui bien plus juste et efficace de choisir la hausse de la TVA pour remplacer les cotisations salariales. Outre qu'elle permet de taxer les importations, cette solution aurait l'avantage de ne pas faire porter l'effort sur une seule catégorie. Bien décidé à ne pas voter le budget, Lagarde se demande si le candidat Macron n'a pas retenu «la mauvaise solution» de la CSG pour se distinguer de la droite qui, avec François Fillon comme avec Alain Juppé, avait préempté «la bonne solution» avec ce qu'elle appelle «la TVA sociale».

Rêves. Taxer les retraités ? Dès le soir de l'élection présidentielle, la droite était convaincue que le nouveau chef de l'Etat paierait très cher cette hérésie. François Baroin, chef des candidats LR à la députation, se faisait fort de mettre au cœur de la campagne législative cette question «complètement escamotée» pendant la présidentielle. Il ne doutait pas que les électeurs les plus âgés infligeraient une sévère défaite au bonimenteur d'En marche. Se voyant déjà Premier ministre de cohabitation, Baroin jurait que la droite, elle, ne ferait ni hausse de la CSG ni hausse de la TVA mais baisserait de 10 % l'impôt sur le revenu pour tous les ménages. On connaît la suite : avec une petite centaine d'élus, la droite est restée très loin de ses rêves de revanche. Malgré tous les efforts des dirigeants de LR, les retraités n'ont pas jugé utile de sanctionner les marcheurs qui promettaient de les taxer.